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Protection des cours d’eau en Adour-Garonne : les intérêts privés ne sont jamais très loin…

– 07 février 2013 –

La consultation institutionnelle sur les projets de listes de cours d’eau à classer afin de préserver et restaurer la continuité écologique, s’est terminée le 2 février dernier. Les Associations de Protection de la Nature et de l’Environnement (APNE) n’avaient pas été incluses dans cette phase de participation, contrairement aux chambres d’agriculture et aux chambres de commerce et d’industrie, représentant les irrigants et les hydroélectriciens… Cet oubli illustre bien les conditions dans lesquelles se déroule la procédure de révision des classements de cours d’eau depuis 2010 : les intérêts privés avant la protection des milieux en Adour-Garonne !

Une procédure viciée au profit d’intérêts privés …

L’État a lancé la procédure de révision du classement des cours d’eau en 2010. Cela représente un enjeu environnemental important pour la France, en termes d’objectif de protection de linéaire de cours d’eau (plusieurs milliers de km). En effet, en 2014 deux nouvelles listes remplaceront les anciens classements1. La liste 1, pour une protection des cours d’eau préservés, interdira tout nouvel ouvrage (prise d’eau pour l’irrigation, micro-centrale hydroélectrique, etc.) faisant obstacle à la continuité écologique. D’où le déchainement des intérêts privés qui s’opposent, partout, à la protection de la nature. Toutes les rivières de France sont menacées par la création de nouveaux ouvrages à fort impact sur les milieux aquatiques. La liste 2, pour la restauration des continuités écologiques, est établie pour les cours d’eau pour lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs (amphihalins ou non).

Cette procédure arrivera à son terme mi-2013 en Adour Garonne, dernier bassin qui prendra un arrêté suite à un intense lobbying de la part d’intérêts économiques

En effet, les usagers économiques ont été consultés en amont de la procédure et leurs principaux projets (micro-centrales, barrages pour l’irrigation) ont été pris en compte. Ainsi dès le départ, les listes de cours d’eau proposées à la concertation étaient biaisées ! Nous avons pu constaté par la suite un fort lobbying des usagers économiques, particulièrement écoutés, au cours des concertations départementales. Enfin, pour la phase de consultation institutionnelle2 qui vient de se terminer, les chambres d’agriculture et chambres de commerce et d’industrie ont été incluses alors que les APNE ont été bizarrement oubliées !

En parallèle, les collectivités territoriales consultées ont fait l’objet d’une véritable campagne de propagande de la part de la petite hydroélectricité et de certains syndicats agricoles…

Et la préservation des milieux aquatiques (objectif de ces classements) dans tout cela ? Au vue des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette procédure on peut s’inquiéter du résultat d’une telle politique de protection de l’environnement !

Des listes qui ne permettront pas l’atteinte des objectifs de la Directive Cadre Eau

Pour le collectif FNE Adour Garonne, ces projets de listes, en l’état, ne permettent pas de répondre à l’objectif de bon état de 2/3 des masses de la France. Ils traduisent un recul de la protection des cours d’eau et de la restauration de la continuité par rapport aux classements précédents1. 50% des masses d’eau françaises ont pourtant été reconnues risquant ne pas atteindre le bon état en raison de perturbations hydromorphologiques. L’hydroélectricité en est une des causes principales et nous craignons notamment la multiplication de petits ouvrages ne fournissant qu’une production dérisoire, sur les cours d’eau nouvellement libérés d’obligations, avec des impacts désastreux …

Participation du public : on dit merci à la Ministre de l’Écologie !

Une consultation du public a finalement été organisée dans le cadre de cette procédure en Adour-Garonne. En effet, comme nous l’avions rappelé dans un courrier au Préfet Coordonnateur de Bassin le 21 janvier dernier, la loi n°2012 -1460 du 27 décembre 2012 l’exige pour l’élaboration de toute décision publique ayant un impact sur l’environnement. Cette consultation, ouverte depuis hier (06 février 2013), durera 21 jours.

Pourquoi est-ce important de préserver et restaurer la continuité écologique ?


La continuité d’un cours d’eau est une notion introduite en 2000 par la directive cadre européenne sur l’eau. En droit français, assurer la continuité écologique, c’est notamment permettre :
  • la libre circulation des organismes aquatiques et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ;
  • le transport naturel des sédiments de l’amont à l’aval des cours d’eau.
Le transport des sédiments grossiers par les cours d’eau au gré des crues, est l’un des éléments majeur du bon fonctionnement des hydrosystèmes fluviaux. En effet, le cycle vital de nombreuses espèces fluviatiles est étroitement lie a un habitat composé en grande partie de dépôts alluvionnaires grossiers. La préservation de ce transport sédimentaire est indispensable au bon état écologique des eaux.
Le défaut de continuité écologique peut être la conséquence de la présence d’ouvrages en travers des cours d’eau, mais aussi d’ouvrages coupant les connexions latérales. En plus de constituer une entrave à la circulation des poissons et aux transport des sédiments, la fragmentation des cours d’eau affecte les capacités d’adaptation des espèces aux changements climatiques, induit des perturbations du fonctionnement des écosystèmes aquatiques et réduit l’efficacité des services rendus par les écosystèmes.
1 Classements abrogés en 2014 : rivières réservées au titre de l’article 2 de la loi de 1919, (protégées du développement de l’hydroélectricité) et rivières classées au titre de l’article L. 432-6 du code de l’environnement (reconquête de la circulation des poissons migrateurs).
2 Réglementairement régie selon l’article R. 214-110 du code de l’environnement.