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Barrage de Sivens, éditorial :

Ou plutôt billet d’humeur, et cette humeur c’est de la colère concernant les travaux en cours à Sivens, où un projet de barrage d’un autre temps est en train d’empoisonner la vie locale et de scandaliser tous ceux qui essaient de restaurer une agriculture paysanne soutenable.

Dans cette affaire, depuis un mois maintenant, nous n’avons eu à faire face qu’à des mensonges, une illégalité flagrante et un usage intensif et systématique de la force publique pour permettre à des entreprises forestières et de travaux publics de détruire des milieux uniques dans la belle vallée du Tescou.

Nous avons vu le Président du Conseil Général du Tarn et le Préfet du département main dans la main pour soutenir par la violence le projet dépassé de la retenue d’eau de Sivens mené par une entreprise (la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne) dont l’une des particularités est que le Conseil d’administration comprend de nombreux élus départementaux dont un conseiller général du Tarn et un du Tarn et Garonne, les deux collectivités finançant le futur ouvrage. Il faudra se pencher un jour sur ce qui ressemble bel et bien à un conflit d’intérêt.

Depuis début Septembre, les travaux pour défricher, puis décaper la surface nécessaire à la retenue de Sivens se déroulent sous la protection de centaines de gardes mobiles qui n’hésitent pas, jour après jour à matraquer, à brutaliser et à asphyxier sous les gaz lacrymogènes les citoyens courageux, jeunes ou plus âgés, qui s’opposent à ce projet hors de prix financé avec l’argent des contribuables et qui ne bénéficiera qu’à une poignée d’irrigants. Eux auront à disposition cette eau pour une somme dérisoire, incitation évidente à toujours plus de gaspillage de la ressource.

Alors que le président du Conseil Général du Tarn répète partout et encore que ce projet sera exemplaire au niveau de l’environnement et que les procédures ont été respectées, force est de constater que 30 hectares de forêt ont été défrichées, et 13 hectares de zone humide exceptionnelle détruite, et donc que la nature a beaucoup perdu dans cette opération lamentable.

De plus, aucune des procédures engagées au fond n’ont été jugées et il est donc totalement irresponsable de se lancer dans des travaux dont on ignore actuellement si la légalité sera finalement reconnue par les juges du Tribunal Administratif.
Ces procédures sont :
– Un recours en annulation contre l’arrêté du 3 octobre 2013 dit “loi sur l’eau” relatif au barrage ;
– Un recours en annulation contre l’arrêté du 3 octobre 2013 déclarant d’utilité publique le projet ;
– Un recours en annulation contre l’arrêté du 16 octobre 2013 autorisant la destruction des espèces protégées

Pire, les travaux en cours se sont déroulés du 1er au 12 Septembre alors qu’aucune autorisation de défrichement n’avait été délivrée et par la suite en violant délibérément le délai d’affichage légal à respecter avant toute opération sur le terrain.

C’est donc dans une situation de délit caractérisée que la CACG a opéré son coup de force soutenue jour après jour par les gendarmes mobiles dépêchés par le Préfet.

Et la ministre de l’Ecologie ?

Ségolène Royal, à propos de Sivens se croit autorisée à défendre… l’énergie hydro-électrique, propos d’une incroyable légèreté et qui de toute façon n’a aucun rapport avec le sujet.
Elle déclare dans une conférence de presse, suite à une question sur les défrichements du Testet d’un journaliste de Reporterre « Ma première observation, c’est que l’énergie hydro-électrique est une des plus belles énergies renouvelables. Il est important de regarder ce dossier dans une logique où il faudrait qu’il y ait plus d’énergie hydro-électrique en France ».

Puis, revenant sans doute à la réalité du projet essentiellement destiné à l’irrigation en grande culture, elle nomme une mission d’expertise de deux inspecteurs membres du Conseil général de l’environnement et du développement durable dont la particularité a été de se déplacer à Albi, par deux fois, pendant que les travaux et la répression policière se poursuivaient de plus belle.
Que peut-on bien attendre de cette mission d’experts, qui, sur le terrain, ont pu constater les destructions en direct ?

Et le ministre de l’Agriculture ?

Monsieur Le Foll qui ne cesse de parler d’agro-écologie et, à propos de Sivens , prétend défendre l’agroforesterie et les zones humides, n’a pas peur du grand écart, alors que précisément pendant qu’il pérorait sur France Inter avec un cynisme confondant et un aplomb digne de Jérôme Cahuzac, les engins détruisaient autour du Tescou la forêt et une zone humide remarquable. Ce ministère, pour mémoire, a toujours soutenu et encouragé l’agriculture intensive en général et les maïsiculteurs dans leurs demandes les plus extravagantes. En dehors de belles paroles, qui sont strictement contredites par les faits, le changement, semble-t-il, n’est absolument pas pour demain.

Sur la répression permanente à Sivens, on peut s’étonner également que le moindre mouvement, la moindre action des jeunes zadistes soit impitoyablement réprimé, leurs affaires personnelles brulées par les gardes mobiles, leurs habitations ou leurs tentes et leurs véhicules détruits ou endommagés par les mêmes, alors que pendant ce temps, en Bretagne certains agriculteurs manifestaient à Morlaix en incendiant tranquillement la Mutualité Sociale Agricole et le Centre des Impôts de la ville, en empêchant les pompiers d’intervenir, sans que les forces de l’ordre n’interviennent, ne s’opposent à ces actes délictueux et n’interpellent sur place les responsables. Comme toujours, deux poids, deux mesures.

Au final, ce mois de Septembre restera à marquer d’une pierre noire pour la protection de la nature dans notre région. L’ex-président Sarkozy avait bien expliqué en 2010 au salon de l’agriculture que « l’environnement ça commence à bien faire », et le gouvernement de Manuel Vals l’a pris au mot et même plus. Pour la protection de la nature, pour la ressource en eau, une seule solution …. La loi du plus fort … à coups de matraque.

Je ne peux cependant conclure ce billet sans rendre hommage et remercier de tout mon cœur tous ceux qui ont tenté avec courage et détermination de s’opposer à cette absurde destruction de la nature (Membres du Collectif Testet, zadistes, grévistes de la faim, agriculteurs de la Confédération Paysanne ou d’autres opposés au projet, salariés et membres de notre Fédération). Mille excuses pour ceux que j’ai oublié de citer…

Thierry de Noblens, Président de FNE Midi-Pyrénées

Pour toute information détaillée concernant le projet de la retenue de Sivens (présentation, historique, plans, arguments pour refuser le projet,) vous pouvez consulter l’excellent site du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet.
http://www.collectif-testet.org/index.php