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Cartographie des cours d’eau

Le 3 Juin 2015, le ministère en charge de l’écologie a demandé aux services de l’Etat d’établir la cartographie des cours d’eau de chaque département.

Dans un contexte d’absence de définition claire et dans la mesure où cela risque d’ « entrainer des tensions avec certains usagers et notamment le monde agricole » (demandant l’assouplissement des contrôles sur les agriculteurs), un travail de définition des cours d’eau a été demandé par les acteurs agricoles.

Mme Ségolène Royal, Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, a donc missionné les préfets de départements pour élaborer la cartographie des cours d’eau sur l’ensemble du territoire français, accompagnée d’un guide d’entretien des cours d’eau et d’une charte contrôleur-contrôlé pour mieux faire comprendre le travail de la police de l’eau.

L‘instruction du 3 juin précise les conditions de réalisation de ce projet. Il s’agit de définir de façon collégiale ce qu’est un cours d’eau, via notamment la jurisprudence et une série d’indicateurs, et de générer une cartographie départementale des cours d’eau en différenciant les écoulements « cours d’eau » des « non cours d’eau » (ex. fossés). Cette cartographie s’attache à faire cette différenciation vis-à-vis des travaux envisagés : pour un projet de travaux donné (nouvel aménagement, agrandissement d’aménagement existant, drainage, curage, etc.), si pour un cours d’eau une autorisation sera nécessaire, elle ne le sera a priori pas pour un écoulement défini comme non cours d’eau. Ainsi, tout écoulement qui n’aura pas été cartographié ou cours d’eau déclassé en « non cours d’eau », sera considéré comme étant un écoulement de type fossé, ce qui réduira l’étendue spatiale des pouvoirs de police de l’eau. Cependant cette cartographie aura un caractère indicatif, non juridique…

Selon la demande de la ministre, l’objectif de ce projet est d’obtenir d’ici au 15 décembre 2015 une carte des 2/3 du territoire français pour les territoires dont la cartographie complète des cours d’eau est possible sans difficultés majeures. Pour le 1/3 restant (qui nécessiterait de développer une méthode d’identification des cours d’eau), la carte devra être complétée courant 2016. Au vu des enjeux, du peu de moyen humains (DDT et ONEMA mis à contribution) et des vérifications terrain que cela demande ces délais étaient beaucoup trop courts, ainsi le travail commencé se poursuivra largement en 2016.

Les principaux acteurs impliqués plus ou moins directement dans cette démarche sont : les acteurs agricoles (syndicats principalement), les services de l’Etat (préfet, DDT qui anime le projet, ONEMA), les Syndicats de rivière et bassin versant, les fédérations de pêche et les associations de protection de l’environnement (pas dans toutes les régions mais c’est le cas en Midi-Pyrénées).

Vigilance des APNE

Depuis le début, le mouvement FNE se montre réservé quant à l’origine et la manière dont est mise en œuvre cette décision, qui vient du premier ministre après un lobbying de certains acteurs agricoles de plusieurs années entériné par le rapport de la mission Massat sur les contrôles dans les exploitations agricoles. En effet, devant la condamnation de certains agriculteurs pour travaux sur cours d ‘eau sans demande d’autorisation (Cf. réglementation), les représentants agricoles pointent du doigt le flou juridique autours de la notion de cours d’eau, non définie par la loi et laissée à l’appréciation du juge.

Les APNE y voient l’occasion pour les acteurs agricoles, qui contestent en permanence ce qu’ils voient comme des contraintes environnementales, l’occasion d’alléger toujours plus leurs obligations, et pour l’Etat d’apaiser les conflits de terrain entre les agriculteurs et la Police de l’eau. Elles craignent également que pour ce dernier, face à la réduction des moyens humains et financiers effectifs (du fait de la crise), ce projet soit un moyen de réduire le territoire d’action donc la charge de ses agents.

Concernant la mise en place de cette cartographie des cours d ‘eau, les APNE dénoncent notamment les délais et moyens (humains, matériels) restreints pour réaliser ce travail qui nécessite des passages réguliers et précis sur le terrain afin de pouvoir conclure pour certains écoulement « indéterminés » s’ils sont ou non des cours d’eau. Par ailleurs, il leur semble nécessaire que soit rappelé et mis en avant les objectifs de bon état des eaux de la DCE. Cette cartographie ne doit pas aller à l’encontre de cet objectif ! Enfin elles restent dubitatives sur l’utilisation de cette cartographie qui n’aura vraisemblablement pas de valeur juridique mais une valeur indicative …
Ainsi les associations sont encouragées à participer aux réunions de concertation non pas pour cautionner ce projet de cartographie mais dans l’objectif de mieux comprendre de quoi il s’agit, d’être témoin du déroulement (méthode, discours et pression des acteurs, etc.) et de pouvoir défendre l’intérêt des milieux aquatiques et humides. Leur présence est acceptée plus ou moins directement et facilement selon les départements. Ainsi certaines ont été invitées, d’autres en ont fait la demande ; certaines sont acceptées au comité technique en plus des réunions de concertation et d’autres se voient refuser leur présence à ce comité…

Les APNE sont bien conscientes des directives données par la FNSEA (syndicat agricole majoritaire) à ses représentants dans les réunions de concertation. Ainsi au travers d’un guide d’appui, la FNSEA donne une série de réserves et de conseils afin de tenter de maitriser au maximum la procédure de cartographie des cours d’eau et de limiter ainsi le nombre de cours reconnus comme tels. La présence des APNE (et autres acteurs ayant une bonne connaissance des milieux aquatiques tels que les pêcheurs, l’ONEMA ou les techniciens des syndicats de bassin versant) peut permettre de limiter ce lobbying.

Il n’est pas inintéressant de mettre ces différents acteurs autours de la table afin d’échanger, débattre et arriver à élaborer ensemble une vision commune de ce qu’est un cours d ‘eau ou non. D’autre part, il semble plus que nécessaire aux APNE que la réglementation et les bonnes pratiques d’entretien d’un cours d’eau soient largement diffusées auprès des acteurs de terrain, connues et acceptées. Cela devrait être l’enjeu principal de ces réflexions. Cependant les intérêts en présence peuvent fausser le dialogue et le travail d’acculturation commune.

Merci à Reporterre pour leurs très bons articles sur le sujet :

Quand le Gouvernement et la FNSEA redessinent la carte des cours d’eau (27 février 2017)

La FNSEA veut faire disparaître les petits cours d’eau de nos cartes (28 février 2017)

La nouvelle cartographie des cours d’eau menace l’intérêt général (02 mars 2017)

Course contre la montre pour sauver les cours d’eau (19 février 2018)

Des milliers de cours d’eau sont rayés de la carte de France, et s’ouvrent aux pesticides (20 février 2018)

Un MEMENTO à disposition pour sauver les cours d’eau

FNE Midi-Pyrénées a décidé de mettre à disposition de ses bénévoles un memento pour être en capacité de cartographier un cours d’eau selon les règles établies.

En effet, bien que nous soyons en profond désaccord avec cette politique, nous souhaitons que nos bénévoles puissent être en mesure de sauver les cours d’eau de leur territoire. Sous la forme de guide pratique, l’idée est de permettre à celle ou celui qui le souhaite « d’identifier » un cours d’eau via un travail de terrain pour ensuite faire remonter une fiche navette à la Direction départementale de son territoire.

Ce memento est téléchargeable ici