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Fiche n°12 : Des palettes pour se construire un toit

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Imaginer la palette comme un parpaing et le bois comme un ciment, c’est l’aventure dans laquelle s’est plongée Sofrinnov, une entreprise qui fait de l’assemblage de palettes pour réaliser des constructions. Avec cette activité, la société est positionnée dans le secteur des « green clean techs » : le green parce qu’elle développe des produits en bois, un matériau naturel, et le clean parce que le bois dont elle se sert a déjà été utilisé et déjà packagé.
Pour l’histoire, ce sont trois amis (le premier titulaire d’un DESS gestion de l’innovation, la seconde titulaire d’un doctorat en physique, la troisième spécialisée en comptabilité finances dans le domaine immobilier), qui ont créé ensemble un premier brevet qu’ils ont appelé « Sylcat ». Ce brevet consiste à réaliser des ossatures de murs grâce à des palettes. Nous avons rencontré l’un d’entre eux, Jean-Claude Escriva, le fondateur.

A l’aide de ce brevet, la société a conçu plusieurs dispositifs modulaires basés sur cette méthode constructive.
Basée à Ramonville, dans la Communauté urbaine de Toulouse, Sofrinnov est implantée au sein de la pépinière d’entreprise du Conseil départemental de Haute-Garonne.


« Plus rapide qu’un maçon béton »

Jean-Claude Escriva explique le principe : « les palettes sont assemblées les unes aux autres grâce à une pièce de bois que l’on visse dessus. Avec cette méthode, les parpaings de bois, qui mesurent généralement 1m20 de long, sont assemblés directement mètre carré par mètre carré, ce qui permet d’être beaucoup plus rapide qu’un maçon qui travaille avec du béton. »

Cette méthode constructive brevetée permet de transformer des palettes en jeu de construction de manière simple, rapide, économique et écologique. De plus, les modules sont facilement déconstructibles et atteignent de très bonnes performances d’isolation thermique et acoustique.

Les étapes de la construction

L’assemblage des palettes – grâce à une planche en bois – est relativement facile. Un non-initié peut réaliser plus de 100 m² d’ossature de murs dans la journée à l’aide d’un outillage simple : il suffit d’une visseuse, un maillet, une scie, un niveau, et le tour est joué !

De l’abri humanitaire aux habitations légères de loisirs… Plusieurs usages sont possibles

La démarche initiale de Sofrinnov s’incrivait dans le domaine de l’humanitaire. Répondant aux prescriptions de la Croix-Rouge concernant les abris d’urgence (assurer la sécurité, la dignité, et l’intimité), le premier module inventé par les fondateurs permet de proposer un abri dans les camps de réfugiés qui soit à la fois dé-constructible et plus pérenne qu’une tente. C’est le module « Rescooz ». D’une surface comprise entre 20 et 25m², il est simple et rapide à monter, ce qui laisse aux personnes réfugiées la possibilité de le monter elles-mêmes. Alors qu’une tente est changée tous les huit mois, le module Rescooz peut durer environ quinze ans, ce qui correspond à la durée de vie moyenne d’un camp de réfugiés. Rescooz est donc un abri d’urgence qui apporte aux personnes réfugiées la sécurité par la solidité de l’abri et le respect de leur vie privée grâce à l’isolation. Il permet aussi de conserver leur dignité en étant acteurs de la construction.

Sofrinnov a ensuite repris ce dispositif constructif pour créer d’autres modules destinés à diverses applications, bâtis autour du module nommé « Oozwood ». Similaire à Rescooz, et prenant la forme d’un bungalow, Oozwood peut permettre de créer de nouveaux espaces comme des studios de jardin, des bureaux, des chalets, et des logements de camping. L’idée de créer ces bungalows est venue en discutant avec les gérants de campings situés sur le chemin de Compostelle : ils se sont rendu compte que les pèlerins n’avaient pas les moyens de s’offrir la location d’un bungalow pour une nuit, et qu’il fallait donc trouver une solution facile, peu onéreuse, proposant un toit, un lit, et l’accès aux sanitaires du camping.

Avec ce module, il est également possible d’agrandir une habitation, construire dans des sites géographiques classés, ou encore répondre à des besoins d’abris ponctuels (comme par exemples des clubs de surf éphémères ou des sandwicheries). Avec ce type de construction modulaire, la mise en place et la déconstruction restent des chantiers propres. Une fois le module démonté, il ne reste que les palettes que l’on peut à nouveau recycler. C’est d’ailleurs ce que prévoit la loi Littoral : elle interdit toute construction ou installation sur certains espaces du littoral, mais elle peut autoriser quelques « aménagements légers ». Les aménagements légers sont autorisés, à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, qu’ils ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et qu’ils ne portent pas atteinte à la préservation des milieux (article R. 121-5 du Code de l’urbanisme).

De manière générale, ce module permet de construire toute une gamme de bungalows appelée « habitations légères de loisir », c’est-à-dire des constructions démontables ou transportables, destinées à une occupation temporaire ou saisonnière, sur une surface inférieure à 35m².
Cette gamme est donc destinée aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers.
Sofrinnov s’est aussi lancée dans le marché des matériaux. Elle propose le parpaing de bois prêt à l’emploi et isolé (« Inood »), ainsi que le mur autoporté écologique (« walood »).

Le module “Inood” permet d’isoler une maison : équipé d’un pare-pluie pour la face extérieure et d’un pare-vapeur pour la face intérieure, le dispositif prévoit une isolation complète grâce à la fibre de bois ou à la ouate de cellulose.

 
“Walood” s’adresse davantage aux professionnels du bâtiment : c’est un mur prêt à l’emploi qui est rempli de matériaux isolants comme de la terre crue, de la paille, du lin, de la laine ou du torchis. Le mur est ainsi très résistant aux variations de températures et il offre une grande isolation acoustique.

Les avantages des matériaux écologiques dans le bâtiment

Le principal matériau de construction Sofrinnov, c’est le bois. Dans le bâtiment, le bois présente plusieurs avantages : il est solide et c’est un puissant capteur de carbone. Sachant que le secteur du bâtiment est celui qui consomme le plus d’énergie parmi tous les secteurs économiques, l’avenir du bois dans le bâtiment est prometteur.
Par ailleurs, face au risque d’incendie, l’avantage est que l’on connaît la vitesse de propagation du feu dans le bois, et donc quand intervenir, alors que l’on ne la connait pas dans le béton ou l’acier.
Le bois, c’est aussi un matériau souple. Sur les zones sismiques, le bois résiste mieux que le béton qui casse quand le sol tremble. Cela est vrai aussi pour des régions comme la nôtre, où les terres sont argileuses, ce qui peut fissurer les murs en période de sécheresse. Une structure légère qui est posée au sol ne sera au contraire pas affectée par ces mouvements de la terre.
Le bois isole 15 fois mieux que le béton et 450 fois mieux que l’acier.
Le confort acoustique et le confort thermique sont eux aussi à base de matériaux recyclés. Le partenariat de Sofrinnov avec l’entreprise Le Relais (le service de récupération des vêtements dans les conteneurs) perfectionne l’isolation des modules grâce au matériau isolant et ignifugé à base de vêtements broyés que Le Relais a mis au point (appelé le « métisse »). Sofrinnov utilise également de la ouate de cellulose (fabriquée à partir d’environ 85 % de journaux recyclés) et de la laine de bois, qui sont des isolants naturels.
Par ailleurs, l’utilisation de ces matériaux permet de laisser le chantier sec. En effet, avec l’assemblage de palettes, il n’y a pas besoin d’eau pour pouvoir bâtir.

Le partage, une valeur au cœur de Sofrinnov

Si les fondateurs et actionnaires ont bâti cette entreprise, c’est aussi pour son volet social. Sofrinnov travaille en collaboration avec des entreprises adaptées (c’est-à-dire une entreprise permettant à une personne en situation de handicap d’exercer une activité professionnelle dans des conditions adaptées à ses possibilités) et avec des personnes incarcérées. Elle mène aussi un projet avec des étudiants de l’Institut National des sciences appliquées de Toulouse qui veulent rendre possible des hébergements temporaires dans les bureaux vides et disponibles de la métropole toulousaine (soit près de 220 000 m² en 2016), pouvant comprendre différents modules (un module séjour, un module cuisine, un module salle de restauration, etc.). S’inscrivant dans le cadre de la loi ALUR qui permet des hébergements temporaires, Sofrinnov réfléchit à déployer un module tel que Oozwood à l’intérieur de plateaux de bureaux, en associant les bailleurs sociaux, les associations de quartier et le propriétaire qui pourra ainsi disposer de contreparties financières. Ce sont des modules de 13m², assemblés autour d’une armature en palette, isolés phonétiquement grâce à une double cloison en matériaux recyclés pouvant aller jusqu’à 80 cm, et qui peuvent se décliner en cuisine, sanitaires, chambres…
Après avoir déjà construit une supérette pour le camping du Moulin du Roy à Revel et d’autres salles de réunion à Toulouse, l’équipe de Sofrinnov a plusieurs projets en tête, notamment celui de se développer sur le marché international en exportant un transfert de compétence dans les pays en développement. Sur ce projet, Jean-Claude Escriva insiste : « l’idée n’est pas d’apporter ni le poisson ni la canne à pêche, mais d’apprendre à pécher ». C’est-à-dire qu’il ne souhaite pas exporter le kit en bois clefs en main, mais former à construire les jeunes générations. L’entreprise propose déjà des ateliers de formation à l’étranger et dans son siège toulousain.

Le saviez-vous ?

Le plus gros fabricant français de palettes produit 70 millions de palettes à l’année soit 10 palettes par Français. Dans l’Union Européenne, le type de palette le plus utilisé est l’« EUR-EPAL », c’est un produit normalisé : elle fait 800 mm de largeur et 1 200 mm de longueur, et elle pèse 25 kilos, quel que soit le modèle. Elle répandu partout où il y a des ports.
Pour éviter la circulation des parasites du bois, une législation récente élaborée par la Convention internationale pour la protection des végétaux a été validée par l’Organisation Mondiale du Commerce pour que tous les bois des palettes soient traités avec des produits sans impact sur l’environnement (cf. règles 15 des Normes internationales pour les mesures phytosanitaires).
En France, la palette est assujettie au décret du 13 juillet 1994 qui précise que les détenteurs de déchets d’emballage doivent assurer leur recyclage. Cependant seulement 10 % des palettes (soit 100 000 tonnes) ne sont en réalité valorisées chaque année.

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Sofrinnov
10 Avenue de l’Europe
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