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Barrage illégal de Caussade (47) : encore une prime à la délinquance écologique

Inacceptable, d’autant plus à l’approche de la journée mondiale internationale d’action pour les rivières (le 14 mars). Construit et rempli illégalement par et pour quelques agriculteurs de la Coordination Rurale, le barrage de Caussade dans le Lot-et-Garonne sera utilisé cet été. Il y a quelques semaines pourtant, la préfecture demandait à ce qu’il soit vidé. À l’encontre de l’État de droit, de la sécurité des riverains, de la nécessaire adaptation de notre agriculture au changement climatique et d’un juste partage de la ressource en eau, l’Etat cède donc au chantage et à la violence. Tout en assurant que le lac sera vidangé cet automne. France Nature Environnement déplore le message envoyé quant au respect du droit.

Les irrigants pourront utiliser l’eau du barrage cet été

Ce 10 mars 2020, des élus du Lot-et-Garonne se sont fait les portes paroles d’un petit nombre d’agriculteurs, irrigants et menaçants, devant Mme Wargon, Secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, pour arracher le droit d’utiliser l’eau illégalement stockée en vue de l’irrigation estivale de leurs cultures. Le 26 février 2020, la préfète du Lot-et-Garonne avait pourtant mis en demeure de le vidanger, car une étude de sécurité commanditée par la Chambre d’Agriculture elle-même soulignait des risques de rupture de l’ouvrage.

Devant cette annonce incompréhensible pour la sécurité de la population située en aval mais aussi pour le respect du droit, France Nature Environnement a interpellé Mme Borne, Ministre de la Transition écologique et solidaire, et Mme Wargon ce même mardi 10 mars. Contrairement à ce qu’ont annoncé les élus à la sortie de leur réunion, les deux ministres ont confirmé à France Nature Environnement que cet arrangement n’équivaut aucunement à une démarche de régularisation et que les exigences de l’Etat pour un retour à la légalité restent entières.

La politique du chantage et de la violence récompensée

Il n’en demeure pas moins que « cette nouvelle concession, qui consiste à laisser utiliser cet été l’eau du barrage de Caussade, est une véritable prime à la délinquance écologique ! Des passe-droits sont donnés à ceux qui ont refusé les règles de gestion du bien commun qu’est l’eau, alors que ce type de projet devrait toujours être issu d’un vrai projet de territoire, collectif, prenant en compte tous les usages. L’Etat cautionne un accaparement illégal de l’eau dans un contexte de menaces verbales et physiques de la part d’irrigants et syndicalistes agricoles, ceci est inacceptable en démocratie ! », fustige Michel Dubromel, président de France Nature Environnement. C’est un très mauvais signal pour le déploiement des Projets Territoriaux de Gestion de l’Eau, prônés par les Assises de l’Eau.

Le risque à court terme sur la sécurité publique est évidemment inadmissible et France Nature Environnement est prêt à engager la responsabilité de l’État à ce sujet. Des vies humaines sont en danger. Mais ceci ne doit pas masquer les risques à moyen terme pour une gestion quantitative de l’eau, qui sont pourtant avérés. Développer massivement l’irrigation est une mauvaise réponse face à la raréfaction de la ressource en eau. C’est encore plus vrai dans le bassin versant du Tolzac où la multiplication des retenues (plus de 700 recensées, de toute taille) aggrave le problème. Le Comité de Bassin Adour-Garonne avait identifié ce territoire pour qu’une stratégie plus globale y soit envisagée afin de répondre aux besoins de l’agriculture irriguée sans écraser les autres usages et détruire les milieux aquatiques. Les dérives de Caussade constituent un précédent gravissime pour la gestion quantitative de l’eau.

Le barrage de Caussade, symbole de l’agriculture intensive

Coûteux et destructeur de biodiversité, le projet de barrage de Caussade participe au maintien d’un mode agricole intensif, qui prône le développement de l’irrigation pour s’adapter au changement climatique, au détriment du cycle naturel de l’eau et des autres usagers. Il a d’ailleurs reçu de nombreux avis défavorables tout au long de l’instruction administrative. Le projet avait finalement été stoppé par le tribunal administratif de Bordeaux le 13 novembre 2018 grâce à l’action de la SEPANSO Aquitaine et de France Nature Environnement. Malgré cette décision de justice interdisant les travaux, ceux-ci ont commencé le 22 novembre 2018 et se sont prolongés en 2019, jusqu’à la finalisation de l’ouvrage… sans aucun contrôle technique. Toujours au dépit de la loi, le lac a ensuite été rempli, laissant planer la perspective d’une rupture de la digue et d’une vague de 920 000m3 inondant la vallée.

C’est la raison pour laquelle le 26 février 2020, la préfecture du Lot-et-Garonne a exigé, dans un courrier aux élus locaux, une vidange du lac. Une demande qui a conduit les agriculteurs de la Coordination Rurale à se rassembler près de ce dernier, afin d’en empêcher l’accès aux forces de l’ordre.

14 mars, Journée internationale d’action pour les rivières

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