Juridique

Suspension de l’arrêté autorisant l’exploitation de la carrière de SAINT-LARY (09)

La juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à la demande des associations le “Comité Ecologique Ariègeois”, “Protégeons la haute Bellelongue” et autres de suspension de l’arrêté autorisant l’exploitation de la carrière de SAINT-LARY et condamné l’Etat à verser la somme de 1.500 € au titre des frais.

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE TOULOUSE

COMITE ECOLOGIQUE ARIEGEOIS et autres

Mme Armelle Geslan-Demaret
Juge des référés

Ordonnance du 30 juillet 2021

Vu la procédure suivante :


Par une requête enregistrée le 2 juillet 2021 sous le n° 2104013 et un mémoire en
réplique, enregistré le 22 juillet 2021, l’association « le comité écologique ariégeois »,
l’association « Protégeons la haute Bellelongue », Mme Isabella Earles et M. Jean Nielsen,
représentés par Me Terrasse, demandent au juge des référés :


1°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice
administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté en date du 6 juillet 2020, par lequel la
préfète de l’Ariège a autorisé l’exploitation d’une carrière de marbre au bénéfice de la société par actions simplifiée (SAS) Carrière des quatre saisons aux lieudits Cabanasse et Goulau dans la commune de Saint-Lary (Ariège), jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cet arrêté ;


2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L.761-1
du code de justice administrative.

Ils soutiennent, dans le dernier état de leurs écritures, que :

  • l’urgence est constituée, compte tenu de l’imminence des travaux préalables à l’exploitation, annoncés par le pétitionnaire lui-même pour le courant du mois d’août 2021 ; en particulier, afin de limiter la destruction d’amphibiens et de reptiles protégés, la mesure de réduction n° 7 prévoit leur prélèvement 15 jours avant le début des travaux, soit aux alentours du 15 juillet 2021 ; ces travaux préliminaires doivent être réalisés sur une courte période de trois mois environ ; en outre, ils vont entraîner des conséquences graves et irréversibles aux espèces protégées et à l’environnement préservé du site ; ils nécessitent un défrichement des surfaces associées avec des conséquences irréversibles sur le milieu forestier ; ils ont des conséquences dommageables pour 45 espèces protégées, entraînant la destruction de spécimens protégés, de leurs habitats et leur perturbation intentionnelle ; le dossier de demande de dérogation à la protection stricte des espèces protégées considère que les travaux préalables sont plus impactant pour les espèces protégées que, l’exploitation elle-même ; après la mise en place de la mesure d’évitement n° 1 consistant en la mise en défens de certaines zones, subsistent des impacts résiduels notamment la destruction de zones de reproduction d’habitat de repos ; la mesure de réduction n°1 relative à l’adaptation du calendrier des travaux réduit les impacts sans les supprimer ; la définition d’un calendrier des travaux optimal est impossible compte tenu des besoins différents des espèces protégées présentes sur le site ; la mesure de réduction n°7 consistant à prélever des reptiles et des amphibiens constitue une mesure de perturbation intentionnelle desdites espèces ; il est donc impératif de suspendre l’arrêté attaqué avant le commencement des travaux préalables qui porteront une atteinte irrémédiable aux intérêts défendus par les associations requérantes ; l’étude d’impact est insuffisante en ce qu’elle omet d’envisager les impacts de la carrière sur l’espèce du Grand Tétras dont la présence est avérée sur le site ; il n’y a donc aucune mesure d’évitement, de réduction et de compensation adaptée en ce qui concerne cette espèce particulièrement vulnérable ; enfin, le comportement fautif de M. Plo, directeur de la société exploitante, qui avait commencé à exploiter le gisement sans autorisation en 2014 et a été condamné à la suite de la plainte des associations requérantes par jugement du 15 décembre 2020 du tribunal correctionnel de Castres devenu définitif à 50 000 euros d’amende, justifie des craintes que les mesures prescrites ne soient pas respectées ; la société Carrière des quatre saisons aurait dû mettre en place le protocole MR7 dès le mois d’avril 2021, ce dont les associations requérantes se sont étonnées par courrier du 12 juillet 2021 adressé aux services préfectoraux ;
  • il existe un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ;
  • l’arrêté contesté nécessite le défrichement d’une surface de 5 000 m² environ, alors qu’il ne comporte aucune autorisation de défrichement sur le fondement de l’article L. 341-1 du code forestier ni aucune mesure d’évitement, de réduction et de compensation liée à ces travaux dont l’exécution présente un caractère manifestement illégal ; En tant qu’il vaut dérogation au titre des espèces et habitats protégés :
  • si le 4° de l’article L. 411-2 du code de l’environnement autorise des dérogations au régime de protection des espèces protégées prévu par l’article L. 411-1 du même code, c’est sous réserve de réunir les conditions cumulatives qu’il pose ;
  • en l’espèce, la condition de raison impérative d’intérêt public majeur n’est pas remplie ; les trois motifs invoqués par la SAS Carrière des quatre saisons ne suffisent pas à l’établir ; il n’est pas justifié que le projet de réouverture de la carrière répond à un intérêt local, l’impérieuse nécessité de couvrir les besoins nationaux en marbre n’est pas démontrée, alors que la région Occitanie comporte la plus grande concentration d’entreprises spécialisées dans la production de
    roches ornementales, ni l’intérêt géologique et environnemental au regard des objectifs du schéma départemental des carrières, ni enfin l’intérêt touristique et de préservation du savoirfaire technique traditionnel ;
  • la recherche de solutions alternatives plus satisfaisantes fait défaut ; il n’est pas établi
    qu’il n’existerait pas d’autre site abritant un gisement présentant des caractéristiques géologiques
    similaires ; seules des variantes d’exploitation sur le site ont été examinées ;
  • les mesures proposées ne permettent pas le maintien dans un état de conservation
    favorable des 45 espèces protégées, dont quatre au moins sont dans un mauvais état de conservation dans leur aire de répartition naturelle, pour lesquelles la dérogation doit revêtir un caractère très exceptionnel, notamment de l’ours brun, dont la situation risque d’être aggravée ; En tant qu’il vaut autorisation au titre de la législation sur les installations classées :
    S’agissant de la légalité externe :
  • l’étude d’impact est insuffisante, notamment en tant qu’elle porte sur une aire très restreinte ; elle omet d’envisager les impacts de la carrière sur l’espèce du Grand Tétras, classée vulnérable, dont la présence est avérée sur le site ; l’emprise du projet empiète sur des sites vitaux pour cette espèce ; l’arrêté contesté ne prévoit aucune mesure complémentaire ;
  • il n’est pas justifié que le demandeur de l’autorisation d’exploiter dispose de la maîtrise foncière des routes forestières sur lesquelles les camions vont passer, en particulier de la parcelle cadastrée n° 1205 sise au lieudit Coume de Cabanasse, qui est un bien non délimité (BND) constitué par un ensemble de propriétés juridiquement indépendantes, ce qui impose l’accord de chacun des propriétaires pour y permettre le passage des véhicules ; en l’espèce, Mme Isabella Earles et M. Jean Nielsen, requérants, s’y sont opposés, notamment lors de l’enquête publique ;
    S’agissant de la légalité interne :
  • l’arrêté contesté a été pris en violation de l’obligation de maintien du Grand Tétras dans un état de conservation favorable ; le dérangement de l’espèce par les diverses installations et la circulation sur la piste forestière sont de nature à porter atteinte à la conservation de cette espèce protégée ; il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2021, la SAS Carrière des quatre saisons représentée par Me Larrouy-Castera, conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

  • les requérants ne peuvent se prévaloir d’une situation d’urgence dès lors qu’ils ont attendu plus de huit mois après le dépôt de leur requête au fond pour introduire une requête en référé suspension ; ils ne justifient nullement de l’imminence des travaux ; les nombreuses mesures d’évitement, de réduction et de compensation prévues et listées en annexe de l’autorisation délivrée permettent d’établir que toutes les précautions seront prises pour éviter tout impact sur la faune et la flore présentes sur le site ; dans l’appréciation globale des intérêts en présence, il faut tenir compte du caractère unique du gisement de marbre « fleurs de pêcher » dont les retombées économiques au niveau local, national et international ne sauraient être valablement contestées ; l’arrêté attaqué retient l’intérêt géologique du gisement, sa rareté et son intérêt patrimonial ; le projet est soutenu par la communauté de communes Couserans-Pyrénées et financé par la région Occitanie ;
  • il n’existe pas de doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ;
    En tant qu’il vaut dérogation au titre des espèces et habitats protégés :
  • l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur est indéniable, à l’instar de la réouverture de carrière de marbre blanc pour laquelle le Conseil d’Etat l’a reconnu dans son arrêt du 3 juin 2020 n° 425395 Société La Provençale et ministre de la transition écologique et solidaire transposable à l’espèce ; ce marbre répond à demande commerciale locale, nationale et internationale ; si aucun façonnage ne sera fait sur site, les blocs seront transférés soit à des marbriers locaux, soit au sein des ateliers de carrière PLO implantés en région Occitanie, à Saint Salvy de la Balme (Tarn) ; ce type d’activités et d’exploitation s’inscrit dans le cadre des préconisations du schéma départemental des carrières et de la charte du PNR ;
  • aucune solution alternative autre que des variantes sur le site même ne pouvaient être envisagée et la solution la moins impactante pour l’environnement a été choisie ;
  • les travaux de déboisement ont été programmé à une période susceptible de moins déranger l’ours brun alors que le site n’est qu’une zone de passage ou de transit pour cette espèce ; l’exploitation de la carrière ne portera pas atteinte à la conservation de cette espèce qui est en augmentation annuelle moyenne de 10,96 % ; les mesures ERC adoptées sont proportionnées ;

En tant qu’il vaut autorisation au titre de la législation sur les installations classées : S’agissant de la légalité externe :

  • l’étude d’impact n’est pas insuffisante, ainsi que l’a souligné la PRAe dans son avis du 20 novembre 2019 ;
  • l’aire d’étude principale a été élargie en tant que de besoin notamment en ce qui concerne les espèces protégées, aux travaux et aménagements annexes à la zone d’exploitation, à l’aire de stockage, la piste forestière et ses aménagements ; une convention a été passée avec l’ONF pour autoriser l’utilisation des pistes existantes ;
  • contrairement à ce qui est allégué, la présence éventuelle du Grand Tétras dans l’aire de l’étude a été envisagée ; lors des inventaires naturalistes effectués sur le site en 2015 et 2018, aucun indice de présence n’a été trouvé ; aucune mesure spécifique n’a donc été prise ; la cartographie élaborée par les requérants eux-mêmes ne permet pas de démontrer le contraire ;
  • si la parcelle n° 1205 constitue un BND, elle est traversée par une piste forestière gérée par l’ONF qui a donné son autorisation d’utilisation pour l’exploitation ;
    S’agissant de la légalité interne :
  • l’impact sur le Grand Tétras étant considéré comme nul, aucune mesure de protection particulière n’était requise ; l’arrêté attaqué n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2021, la préfète de l’Ariège conclut au
rejet de la requête.


Elle fait valoir que :

  • l’association « le comité écologique ariégeois », Mme Isabella Earles et M. Jean Nielsen ne justifient pas de leur intérêt pour agir ;
  • si l’association « Protégeons la haute Bellelongue » a été constituée pour s’opposer au projet de réouverture de la carrière de marbre de Saint-Lary, l’introduction d’une action en justice nécessitait la réunion d’une assemblée générale ; la délibération du 14 mai 2021, adoptée sous forme dématérialisée n’est pas conforme aux statuts ;
  • les requérants ne peuvent se prévaloir d’une situation d’urgence dès lors que les services préfectoraux n’ont reçu aucune demande de début des travaux de la part de la SAS Carrière des quatre saisons ; le dossier de demande d’autorisation environnementale a reçu des avis favorables de l’autorité environnementale et du CNPN ; il prévoit des mesures d’évitement, de réduction et de compensation qui feront l’objet de contrôles ; l’étude d’impact a été regardée comme suffisante par l’autorité environnementale ; les décisions des juridictions judiciaires constatant des infractions ne sont pas le fait du gérant de la société Carrière des quatre saisons ;
  • il n’existe pas de doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ;
  • le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur alors qu’il n’existe pas de solution alternative satisfaisante et que la dérogation aux espèces protégées concernées ne nuit pas à leur conservation dans leur aire de répartition naturelle ;
  • la législation sur les installations classées a été respectée ;
  • le Grand Tétras n’est protégé qu’au titre de son habitat et il n’a pas été repéré sur la zone.

Vu :

  • les autres pièces du dossier ;
  • la requête n° 2005661 enregistrée le 6 novembre 2020 par laquelle le comité écologique
    ariégeois et autres demandent l’annulation de l’arrêté du 6 juillet 2020.

Vu :

  • le code de l’environnement ;
  • le code forestier ;
  • le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Armelle Geslan-Demaret, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 22 juillet 2021 en présence de Mme Guérin, greffière d’audience :

  • le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, juge des référés,
  • les observations de Me Rover, substituant Me Terrasse, avocate, représentant le comité écologique ariégeois et autres, en présence de M. Cormand et M. Laminel, qui confirment leurs écritures et soutiennent en outre, qu’il s’agit de la remise en service d’une ancienne carrière de marbre qui n’est plus exploitée depuis 1930, elle a fait l’objet d’une exploitation illégale en 2014, puis d’une demande d’autorisation en 2016, qui a donné lieu au retrait du dossier à défaut de demande de dérogation concernant les espèces protégées, grâce au signalement des associations requérantes et à leur prise de parole durant l’enquête publique, une nouvelle demande d’autorisation environnementale unique (DAEU) a été déposée sur le fondement de l’article L. 181-1 du code de l’environnement au titre des installations classées pour la protection de l’environnement, deux déclarations au titre de la loi sur l’eau et d’autorisation de défrichement d’une surface de 0,5 ha, ainsi qu’une demande de dérogation concernant les 45 espèces protégées présentes sur le site sur le fondement de l’article L. 411-2 du même code, l’emprise du projet a été réduite, le CNPN a rendu son avis le 3 avril 2019, l’objet social des associations requérantes est de protéger l’environnement, s’agissant de l’urgence, il doit être procédé à une mise en balance des intérêts en présence, elle est constituée, compte tenu de l’imminence des premiers travaux d’aménagement préliminaires qui sont les plus impactants pour les espèces protégées qui doivent débuter au mois d’août, selon le courriel du 20 novembre 2020 de la SAS Carrière des quatre saisons à la DREAL, leur durée étant très courte sur une période de trois mois, d’août à octobre, selon la mesure MER n° 1, même si la préfète de l’Ariège indique qu’elle n’a pas encore été informée du début de ces travaux, s’ils ont attendu plus de huit mois après l’introduction de leur requête au fond pour saisir le juge des référés, c’est pour saisir le moment opportun avant le début des travaux qui vont porter une atteinte irréversible aux espèces protégées, même après mise en œuvre des mesures d’évitement et de réduction, des impacts résiduels subsistent ainsi qu’il ressort du dossier de DAEU, en outre, il doit être tenu compte du comportement du pétitionnaire qui a été condamné à une amende de 50 000 euros par jugement du tribunal correctionnel de Castres du 15 décembre 2020 pour exploitation de la carrière sans autorisation en 2014, il avait déjà été condamné le 26 mars 2014 pour pollution d’un cours d’eau, la question s’est posée en novembre 2020 où la présence d’engins de chantier avait été constatée, la MER n° 7 prévoit la capture quinze jours avant le début des travaux de reptiles et d’amphibiens, la DREAL à qui la question a été posée de la mise en œuvre de cette mesure s’est abstenue de répondre, la préfète de l’Ariège n’en dit rien, le nouveau moyen soulevé dans le mémoire en réplique sur l’absence d’autorisation de défrichement renforce l’urgence, s’agissant du doute sérieux, en ce qui concerne la demande de dérogation au titre des espèces protégées, l’article L. 411-2 pose trois conditions cumulatives que le Conseil d’Etat a hiérarchisées, il faut examiner au préalable la condition relative à l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt public majeur (RIIPM), qui n’existe pas en l’espèce, comme dans la plupart des projets de carrières, à l’exception de la décision invoquée par la SAS Carrière des quatre saisons, qui n’est pas transposable à l’espèce, le gisement de marbre « fleur de pêcher » en cause est d’un intérêt esthétique et ornemental, son exploitation ne répond pas à d’impérieuses nécessités, si la commune de Saint-Lary espère en bénéficier, il s’agit d’un simple effet d’annonce, elle ne répond pas à un besoin ni local ni national, à supposer le critère de la RIIPM rempli, l’absence de recherche de solutions alternatives est démontré, l’utilisation de la route forestière sur 18 km pour l’évacuation des blocs a été déplorée par le CNPN, il y a quatre espèces en état de conservation défavorable, dont l’ours brun, qui sont concernées, rien ne garantit le respect des mesures de mise en défens et de suivi prévues pour répondre au CNPN, les effets du recalibrage de la piste forestière ne sont pas étudiés, en ce qui concerne la légalité externe, l’illégalité résultant de l’absence d’autorisation de défrichement sur une surface de 5 000 m² est patente, l’étude d’impact était insuffisante, notamment concernant l’aire d’étude, ces insuffisances ne sont pas « danthonisables ».
  • les observations de Me Larrouy-Castera, avocat, représentant la SAS Carrière des quatre saisons, en présence de MM Jean-Pierre et Philippe Plo, qui confirme ses écritures et fait valoir en outre que le nouveau dossier de remise en service de la carrière a été diminué par rapport à celui de 2016, pour tenir compte de la sensibilité environnementale, le dossier de DAEU de plus de 1 000 pages est très complet, il s’agit d’une exploitation sur 3,5 ha de 1 000 m3 par an, cinq mois par an, il faut appliquer le principe de proportionnalité, les zones de protection ZNIEFF, ZICO et Natura 2000 sont à l’extérieur du site, les espèces protégées sont identifiées, les impacts ont été évalués et les mesures de maintien prises, tous les avis rendus, par le CNPN et la CODERC, sont favorables, même s’ils comportent des réserves et des recommandations, de même que ceux de la commune de Saint-Lary et la communauté de communes du CouseransPyrénées, s’agissant de l’urgence, l’imminence des travaux alors que la MER n° 7 n’a pas encore été mise en oeuvre relève du procès d’intention sur sa volonté de ne pas respecter ces mesures et que la préfète de l’Ariège a indiqué ne pas en avoir été informée, il doit être procédé à une analyse objective et globale des intérêts en présence, compte tenu des mesures prises et de l’intérêt de l’exploitation, s’agissant du doute sérieux, en ce qui concerne la RIIPM, il s’agit d’un gisement de marbre unique et sans équivalent, contribuant au prestige de la commune de SaintLary et de l’Ariège, à l’objectif de restaurer le patrimoine local et de fournir des marbriers locaux (Saint-Girons), M. Philippe Plo exploite d’autres entreprises da marbrerie dans le Tarn, à destination du marché national et international, il a obtenu le label « patrimoine vivant », le Conseil d’Etat s’est prononcé l 3 juin 2020 sur le cas d’une carrière de marbre similaire, ne pas le reconnaître signerait la fin des activités d’extraction, il n’existe pas de solution alternative compte tenu du caractère unique de ce gisement, la piste forestière de 18 km qui sera utilisée existe déjà, l’ONF a accordé son autorisation, concernant l’état de conservation des espèces, notamment de l’ours brun, il ne s’agit pour lui que d’une zone de transit, sur le moyen tiré de l’absence d’autorisation de défrichement, le dossier de DAEU comprend bien une demande pour une surface de 0,5 ha et prévoit un réaménagement de voirie sur 1,7 km de la piste forestière, elle a été prise en compte par l’arrêté préfectoral même s’il ne la vise pas de manière expresse, le chapitre 2 point 2 article 2-2-1 prévoit un déboisement et défrichement et les prescriptions d’exécution, l’objet de la nouvelle autorisation environnementale unique est de fondre toutes les autorisations en une seule, l’arrêté comporte bien le visa des réglementations applicables, l’étude d’impact a bien examiné de manière globale l’ensemble des zones concernées.
  • la préfète de l’Ariège n’étant ni présente ni représentée, la clôture de l’instruction a été prononcée, à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice
administrative :

  1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…) ». Aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) ». Enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (…) justifier de l’urgence de l’affaire ».
  2. La SAS Carrière des quatre saisons, dont le président directeur général est M. Philippe, Plo, a déposé, le 21 mars 2019, un dossier de demande d’autorisation environnementale (DAEU) en vue d’exploiter une carrière de marbre à ciel ouvert aux lieux-dits « Cabanasse » et « Goulau » d’une superficie de 3 ha 38 a 77ca sur le territoire de la commune de Saint-Lary (Ariège) pour une durée de 30 ans, au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), de la législation loi sur l’eau, de la dérogation à l’interdiction d’atteinte aux espèces et habitats protégés et de l’autorisation de défrichement. L’autorité environnementale a rendu son avis le 20 novembre 2019. Le conseil national de protection de la nature (CNPN) a émis un avis favorable sous réserves le 31 décembre 2019. Le dossier a été soumis à enquête publique du 27 janvier au 26 février 2020, à l’issue de laquelle le commissaire enquêteur a émis un avis favorable le 6 avril 2020. La commission départementale de la nature, des paysages et des sites en formation spécialisée dite des carrières a émis un avis favorable, le 23 juin 2020. Par un arrêté en date du 6 juillet 2020, la préfète de l’Ariège a autorisé l’exploitation, en édictant en son chapitre 13.3 les mesures d’évitement et de réduction applicables aux 45 espèces protégées recensées sur le site. Par une requête enregistrée le 6 novembre 2020 sous le n° 2005661, les associations « le comité écologique ariégeois » et « Protégeons la haute Bellelongue » ainsi que deux propriétaires intéressés ont sollicité l’annulation de cet arrêté. Par la présente requête, ils demandent en référé la suspension des effets de cet arrêté.
  3. En premier lieu, il ressort des pièces jointes à la requête que l’association « le comité écologique ariégeois », dont l’objet social est notamment « la protection de la nature pour sauvegarder les espèces et les espaces » et qui bénéficie d’un agrément au titre de la protection de l’environnement renouvelé en dernier lieu pour une durée de cinq ans par arrêté de la préfète de l’Ariège en date du 11 décembre 2018, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour agir dans la présente instance. Par suite, la fin de non recevoir opposée par la préfète de l’Ariège doit être écartée, sans qu’il soit besoin de s’interroger celles dirigées à l’encontre des autres signataires de la requête.
  4. En deuxième lieu, l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.
    L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce.
  5. Les requérants invoquent l’imminence des travaux préalables à l’exploitation, annoncés par le pétitionnaire lui-même pour le courant du mois d’août 2021 dans un courriel du 20 novembre 2020. La circonstance que la SAS Carrière des quatre saisons n’en ait pas informé la préfète de l’Ariège, en méconnaissance de ses obligations, n’est pas de nature à faire regarder la demande de suspension comme prématurée, dans la mesure où il ressort du calendrier élaboré pour permettre la mise en place des mesures d’évitement et de réduction des atteintes aux espèces protégées que les travaux préliminaires doivent être réalisés sur une courte période de trois mois environ, au plus tard avant la fin du mois d’octobre. En l’absence de réalisation de la mesure de réduction n°7 consistant à prélever des reptiles et des amphibiens quinze jours avant le début de ces travaux, le risque d’atteintes graves et irréversibles aux espèces protégées est d’autant plus prégnant. Un nouveau report d’un an apparaît très improbable car il serait très préjudiciable aux intérêts de l’exploitant. Enfin, il est constant que le dirigeant la SAS Carrière des quatre saisons, M. Philippe Plo, avait également la qualité de dirigeant de la société porteuse du projet précédent envisagé en 2016 par ailleurs condamnée à une amende de 50 000 euros par jugement du tribunal correctionnel de Castres du 15 décembre 2020 pour exploitation de la carrière sans autorisation en 2014. Dans ces conditions, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie.
  6. En troisième lieu, l’article L. 411-1 du code de l’environnement prévoit, lorsque les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation d’espèces animales non domestiques, l’interdiction de « 1° La destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d’animaux de ces espèces ou, qu’ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat / 2° La
    destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement de végétaux de ces
    espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur
    cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente
    ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l’altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d’espèces (…). » Le I de l’article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d’Etat la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment : « 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 411-1, à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du
    pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (…) / c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ; (…). ».
  7. Il résulte de ces dispositions qu’un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que
    s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, tels que notamment le projet urbain dans lequel il s’inscrit, à une raison impérative d’intérêt public
    majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
  8. Il résulte du point précédent que l’intérêt de nature à justifier, au sens du c) du du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la réalisation d’un projet doit être d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage poursuivi par la législation, justifiant ainsi qu’il y soit dérogé. Ce n’est qu’en présence d’un tel intérêt que les atteintes portées par le projet en cause aux espèces protégées sont prises en considération, en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, afin de vérifier s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et si la dérogation demandée ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle.
  9. En l’espèce, pour établir que le projet d’exploitation de la carrière présentait des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale et économique, la préfète
    de l’Ariège a retenu dans l’arrêté contesté « l’intérêt géologique du gisement recensé par la schéma départemental des carrières de l’Ariège, la rareté du gisement de notoriété régionale et nationale pour la restauration et l’équipement de bâtis, la mise en valeur de savoir-faire artisanaux et industriels, l’intérêt patrimonial du gisement qui s’inscrit dans le cadre de la croissance économique des territoires et qui répond à des besoins locaux ». Toutefois, alors même que la commune de Saint-Lary ainsi que d’autres communes intéressées et la communauté de communes du Couserans-Pyrénées ont adopté des délibérations favorables au projet, en se fondant sur des perspectives de développement économique local, et de création d’une « vitrine du marbre qui pourrait se mettre en place sur le site de Lédar, aux portes de Saint-Girons », il est constant que le projet n’induira la création que d’un seul emploi direct, que le marbre ne sera pas traité sur place mais transporté sur d’autres sites de la société ou du groupe Plo, et qu’il n’est pas établi que cette reprise de la production, interrompue depuis presque un siècle, répond à un véritable besoin du marché du marbre, qu’il soit local, national ou international. Par ailleurs, les retombées indirectes sur l’économie locale par l’attrait de touristes sur le site restent incertaines. Enfin, si la région Occitanie a accordé, par une décision du 20 mai 2021, à la SAS Carrière des quatre saisons une subvention de 57 555 euros pour l’acquisition de divers matériels « compte tenu de la qualité de votre projet » elle ne se prononce pas sur l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur. Dans ces conditions, quand bien même le caractère unique du gisement, à caractère ornemental, n’est pas contesté, le moyen tiré de l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur apparaît, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté attaqué au plus tard jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête enregistrée sous le n° 2005661.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative :

  1. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».
  2. D’une part, ces dispositions font obstacle aux conclusions de la SAS Carrière des quatre saisons dirigées contre le comité écologique ariégeois et autres qui ne sont pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante. D’autre part, il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser aux requérants au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :


Article 1er : L’exécution de l’arrêté de la préfète de l’Ariège en date du 6 juillet 2020 est
suspendue au plus tard jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la requête enregistrée sous le
n° 2005661.
Article 2 : L’Etat versera au comité écologique ariégeois et autres la somme de 1 500
euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la SAS Carrière
des quatre saisons tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative sont rejetés.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association « le comité écologique
ariégeois », l’association « Protégeons la haute Bellelongue », Mme Isabella Earles et M. Jean
Nielsen, à la préfète de l’Ariège, à la ministre de la transition écologique et à la SAS Carrière des
quatre saisons.


Fait à Toulouse, le 30 juillet 2021