Contexte
La puissance du parc solaire photovoltaïque français atteint 9 904 MW fin 2019. Au cours de l’année 2019, 966 MW supplémentaires ont été raccordés, contre 876 MW en 2018 sur la même période. Ces nouveaux raccordements se concentrent principalement dans la moitié sud de la France. La production d’électricité d’origine solaire photovoltaïque s’élève à 11,6 TWh en 2019, en augmentation de 8 % par rapport à 2018. Elle représente 2,5 % de la consommation électrique française. L’Occitanie avec 2 026 MW représente 20,5 % du parc raccordé.
Elle est en deuxième position derrière la Nouvelle Aquitaine (2 480 MW). Elle s’est donné pour objectif 15 000 MW photovoltaïques installés en 2050.
Selon l’ADEME :
L’ADEME explique que les friches industrielles représentent un potentiel de panneaux photovoltaïques de 49 GW, auquel on peut ajouter un potentiel de 4 GW pour les parkings. Les sites répertoriés intègrent les anciens dépôts d’hydrocarbures, les anciens garages,
épavistes, forges, des centres de stockage des déchets, etc. En Occitanie, le stock de surfaces artificialisées, résidentiel non compris, s’élevait en 2018 à environ 80 000 ha. Il existe vraisemblablement une part importante de ce stock mobilisable pour des installations photovoltaïques.
Ainsi, les terres dites « agricoles » peuvent ne pas être mobilisées, préférence devant être donnée aux friches délaissées, aux espaces interstitiels des zones d’activité, et à tous les types de toitures (grandes ou petites).
Positionnement de France Nature Environnement Midi-Pyrénées
Les enjeux climatiques et de préservation de la biodiversité fondent les positions de FNE MP sur le principe de sobriété notamment énergétique, sur la nécessité de l’abandon des énergies fossiles et nucléaires, sur le recours aux solutions fondées sur la nature.
Confrontée aux questions posées par le développement du photovoltaïque et plus particulièrement à la multiplication de projets sur sols agricoles, forestiers et naturels :
- FNE MP souhaite que, pour limiter les conflits d’usage des sols et préserver la biodiversité, l’implantation du photovoltaïque se réalise et soit encouragée uniquement sur les réserves foncières considérables, à moindres enjeux environnementaux , que sont : toitures et façades des bâtiments résidentiels, publics, agricoles et tertiaires, parkings et ombrières, friches industrielles (certaines friches pouvant toutefois présenter un grand intérêt écologique), sites et sols pollués, mais aussi, réseau de transport, tranchées routières ou ferroviaires, gares ferroviaires, zones d’activité économique, etc., dont les potentiels sont suffisants pour assurer les objectifs de production photovoltaïque en Occitanie ;
- FNE MP s’interroge sur le fait que, malgré une problématique particulièrement marquée en Occitanie, d’artificialisation des sols et d’érosion de la biodiversité, de nombreux projets visent des zones naturelles, agricoles et forestières ;
- FNE MP alerte sur cette situation, d’autant plus problématique qu’aucune statistique ni aucun observatoire n’ont été mis en place pour documenter la nature des terrains choisis, ni pour maîtriser cette tendance, ni pour mesurer d’une manière indépendante ses impacts environnementaux, sociaux et économiques ;
- FNE MP tient à rappeler la vocation première, nourricière, de l’activité agricole et les véritables services agronomiques de l’agroécologie, notamment en matière d’atténuation climatique, d’amélioration des sols, de biodiversité et de production agricole ;
- FNE MP affirme qu’une conception systémique de la transition écologique doit permettre d’éviter qu’un impératif énergétique ne vienne imposer un modèle d’agriculture. La notion d’ « agrivoltaïsme » que nous récusons, entre en contradiction avec les démarches de transition écologique dans le monde agricole, la recherche, les circuits alimentaires, impliquant des rapports renouvelés avec la terre nourricière, l’eau, la biodiversité et les paysages, et de nouveaux types de relations entre ces divers acteurs ;
- L’« agrivoltaïque » présenté dans le récent rapport de l’ADEME comme une opportunité s’inscrit dans la liste des trop nombreuses injonctions faites au monde agricole, dont celle de produire de l’énergie. De nombreux agriculteurs et agricultrices se tournent vers l’agriculture paysanne, l’agroécologie et le bio ; ils y trouvent un sens à leur métier et une raison de confiance dans l’avenir.
En faire des « énergiculteurs », c’est vouloir les rendre dépendants d’une technologie, de tout un système industriel et de risques, notamment financiers, pour leur avenir ;
Conserver les terres agricoles c’est garantir leur vocation nourricière. Préserver les terres naturelles et forestières, c’est permettre à la biodiversité de s’épanouir et réduire les risques environnementaux. On génère ainsi des bénéfices pour la santé physique et mentale des agricultrices et agriculteurs comme de l’ensemble de la population. Ces espaces et les rapports que nous entretenons avec eux, nourrissent notre culture et font partie de notre patrimoine commun.
Analyse du rapport de l’ADEME : des risques pour l’agriculture et la biodiversité
Dans son rapport concernant l’« agrivoltaïsme », qui vient d’être rendu public, l’ADEME produit une définition et des critères qui visent à légitimer cette technique vis-à-vis du monde agricole.
Trois critères sont retenus pour qualifier la « synergie agricole » d’un projet « agrivoltaïque » :
- services apportés à la production agricole ;
- incidence sur la production agricole ;
- incidence sur les revenus de l’exploitation agricole.
La revue de bibliographie scientifique présentée dans le rapport ne permet pas de réaliser des comparaisons, ni d’extrapoler des résultats. Elle fait cependant apparaître d’importantes marges d’incertitude sur la performance énergétique de l’« agrivoltaïque » et sur ses effets sur la production agricole. L’enquête de terrain réalisée montre que l’« agrivoltaïque » entraîne des modifications importantes des itinéraires techniques et des productions agricoles. Elle identifie des risques de spéculation foncière. Enfin, il semble difficile d’anticiper les conséquences techniques, socio-économiques et juridiques, dans les 30 ans de durée d’une installation « agrivoltaïque », sur
l’évolution et le devenir d’une exploitation agricole.
Les 3 critères pour qualifier un exploitant agricole d’« agrivolté »
- L’ADEME évoque le premier critère pour qu’un projet soit qualifié d’ « agrivoltaïque » :
« installations (photovoltaïques) en complète synergie avec l’activité agricole, apportant un service agronomique direct […] C’est par exemple le cas quand des ombrières photovoltaïques améliorent la production agricole, en la protégeant des aléas climatiques et apportent directement un revenu complémentaire à l’exploitant ». La protection purement mécanique susceptible d’être apportée par une ombrière photovoltaïque contre les aléas climatiques – en l’occurrence essentiellement thermométriques et hygrométriques – apparaît ici comme un argument détourné et captieux.
L’ombrière produit bien une modification des fonctionnalités et de l’usage des sols et ne saurait être comparée avec l’agroforesterie, dont, à l’inverse, il est démontré qu’elle assure des services agronomiques réels, plus considérables et plus globaux : atténuation climatique en faveur des cultures et des animaux d’élevage, fertilisation des sols, création de biomasse et de biodiversité, fixation du CO2, amélioration de la réserve hydrique utile, amélioration des capacités de production agricole. Les notions de « complète synergie » et « service agronomique direct » sont d’autant plus imprécises que l’ADEME y inclus l’apport d’un revenu « direct et complémentaire », difficilement mesurable, généré par les panneaux ; - Le deuxième critère est difficilement dissociable du premier et « concerne l’incidence du système sur la production agricole : est-ce qu’il la dégrade, la maintient (ou la dégrade légèrement), ou l’améliore ? Cette évaluation porte sur le rendement et sur la performance qualitative : une production équivalente en volume ou qui baisse légèrement peut gagner en qualité ». Ainsi la baisse de quantité est justifiée par un critère flou d’augmentation de la « qualité ». Aussi, l’installation photovoltaïque ne doit pas « induire une dégradation importante de la production agricole, ni diminution des revenus issus de cette production ». Dans son rapport l’ADEME explique encore que les panneaux peuvent avoir une incidence sur la production agricole et améliorer, maintenir ou « dégrader de façon acceptable » la production. Nous considérons que la notion de « dégradation importante » est trop vague et celle de « dégradation acceptable », inacceptable. L’ADEME reconnaît que « la mise en place de panneaux a en général, des effets neutres ou négatifs sur la production agricole » et ne mentionne donc pas d’effets positifs observés. Aucune mention, non plus, des effets sur la biodiversité, sur les paysages ou sur l’autonomie du projet agricole des paysan.nes. Il n’y a nulle neutralité à légitimer la fuite en avant d’un modèle agricole productiviste et les difficultés des paysan.nes qu’il engendre et sur lesquelles « l’agrivoltaïsme » prospère. Qui plus est nous verrons que l’ADEME nuance par la suite ce critère de dégradation de la production s’il y a « un couplage d’intérêt pour l’agriculture » ;
Dans son rapport l’ADEME explique « la réduction de la lumière liée à la présence de modules PV constituent la principale contrainte écophysiologique sur la productivité des plantes […] la littérature sur les impacts des modules sur la distribution de l’eau et l’érosion est relativement limitée […] les modules génèrent de forts contrastes de répartition de l’eau dans le sol avec la formation d’un bulbe d’eau dans le sol à l’aplomb du panneau […] les références bibliographiques sont incomplètes et difficilement comparables (il y a) un manque de retours expérimentaux sur des séries pluriannuelles ».
Malgré cela, l’ADEME en arrive à conclure que si le manque de lumière est un facteur limitant la croissance des plantes : « selon les cas, l’amélioration de l’efficience de l’eau peut contrebalancer les effets d’ombrages ». « Selon les cas » : l’ADEME avance au « doigt mouillé » montrant le soleil … ; - 3ᵉ critère : seule une augmentation des revenus, sans perte des revenus agricoles, est considérée comme « agrivoltaïque ». Peut-on accepter que les paysan.nes deviennent des « énergiculteurs » et doivent tirer des revenus d’installations industrielles ? Qui viendra contrôler les comptes des paysan.nes pour vérifier ce critère ? Aussi, elle ouvre tout de même la porte aux projets photovoltaïques sur des terres agricoles qui ne répondraient pas à ce critère….
Des projets sur des terres agricoles, non « agrivoltaïques » mais légitimés pas l’ADEME
- S’ils ne peuvent s’appeler « agrivoltaïques » l’ADEME légitime les autres projets sur des terres agricoles « qui peuvent présenter un intérêt pour l’agriculture », et qui certes baisseraient les revenus agricoles, mais augmenteraient les revenus globaux (par les locations de terres ?). Ainsi « l’ADEME préconise de mesurer l’effet du système sur les revenus de l’exploitation, avant et après l’installation : améliore-t-il ou non sa situation financière ? En considérant l’évolution des revenus agricoles de l’exploitation ainsi que les revenus supplémentaires apportés par le photovoltaïque ». Dans un contexte de lourd endettement des agriculteurs à cause du modèle productiviste- entretenu entre autres par les industriels de l’agrochimie, de la grande distribution – l’ADEME justifie que ces mêmes industriels (pensons à Voltalia qui appartient à des détenteurs notoires de la grande distribution) jouent aux pompiers pyromanes en remplaçant cette dépendance des agriculteurs par une autre, mieux perçue car porteuse de l’ « énergie verte ». Comme l’exprime très clairement un agriculteur portant le projet de Montcuq en Quercy « avec ce projet, je perdrai l’argent de la PAC, mais je récupérerai un loyer à la place, plus intéressant ». Qui plus est le chef du service viticulture à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales ajoute : « Quand la production électrique rapporte beaucoup plus que l’agriculture, c’est un peu le pot de terre contre le pot de fer ».
D’ailleurs dans son rapport l’ADEME met en avant que « selon les exploitants agricoles interrogés, les principaux atouts de ces projets sont l’accès à des structures agricoles à coûts nuls […] l’accès à du foncier supplémentaire […] le soutien économique à la valorisation d’un foncier […] la pérennisation d’une exploitation ». Nulle trace d’écologie dans les principales raisons des paysan.nes, seules existent leurs difficultés financières sur lesquelles prospèrent les industriels et que vient légitimer l’ADEME ; - Autre exemple d’installation intermédiaire, dite de « couplage d’intérêt pour l’agriculture », visant « un équilibre entre les deux activités, acceptable pour l’agriculteur » : un maraîcher qui s’est équipé il y a quelques années d’une serre photovoltaïque. « Ce projet lui a donné accès à du matériel technique supplémentaire – la serre – lui rendant un service que nous appelons indirect, car ce ne sont pas les panneaux photovoltaïques qui le lui apportent directement. Les rendements et la qualité des productions y sont légèrement inférieurs à ceux d’une serre voisine, classique. Cependant, le développement de la vente en circuit court, favorisé par la serre, a permis de maintenir les revenus de l’exploitation ». Cet argument économique est pour le moins contestable pour ne pas dire fallacieux, car rien ne permet d’établir un lien, dans l’exemple donné, entre le fait que l’agriculteur se soit équipé d’une serre photovoltaïque et qu’il se soit engagé dans la vente en circuit court. Avec ce type d’argument, l’ADEME légitime la majorité des projets sur des terres agricoles.
L’ADEME ajoute à ces trois premiers critères, 7 critères d’attention
Ces nombreux critères proposés sont des indicateurs de risques proposés plus que des externalités positives.
- Le rapport explique que « le projet agrivoltaïque se doit d’être adaptable et flexible pour répondre aux évolutions dans le temps […] est-il réversible dans le temps ? ». Prenons là au mot : si un.e paysan.ne décide de passer de l’élevage ovins à la culture de fruitiers, les industriels viendront-ils démonter leur équipement sur des dizaines d’hectares ? L’ADEME explique que « Le 1er de ces critères d’attention porte sur la vocation et la pérennité du projet agricole : l’exploitant a-t-il été associé à la conception du projet et bénéficie-t-il d’un accompagnement technique ? Participe-t-il au capital de la société de projet ? ». Si les agriculteurs ont été « associés » au projet (il est difficile de penser qu’ils le découvrent construit un beau matin sur leurs terres…) pour l’ADEME cela devient un critère acceptable. La participation au capital ne garantit ni l’autonomie de l’agriculteur, ni la réversibilité d’un projet dont il devient partie prenante. Ajoutons que le fait qu’il soit « réversible » n’atténue en rien sa dangerosité pour le monde agricole durant des décennies ;
- A propos de l’« adéquation territoriale » : « La 2e série de critères complète l’analyse en évaluant la pertinence du système dans son contexte local : si des ombrières destinées au maraîchage sont installées dans une zone où il n’y a des débouchés que pour des céréales, cela paraît absurde. Ces éléments varient en fonction de chaque contexte ». L’ADEME ne légitime-t-elle pas ainsi les contextes locaux de monocultures tout en conseillant aux agriculteurs de s’équiper en photovoltaïque sur leurs terres en fonction des débouchés agricoles contrôlés par l’industrie agroalimentaire ? Comme l’explique la Confédération Paysanne de l’Aveyron, les agriculteurs deviendront dépendants des choix agronomiques définis par la présence des panneaux : « Les panneaux réorientent les choix de production vers ce qui est compatible avec les panneaux, plutôt que vers ce qui est souhaitable agronomiquement ». Pour preuve avec un exemple en Aveyron sur le Causse Comtal, nous pouvons lire p.10 de la brochure de présentation du projet Voltalia que « les panneaux solaires se situeront entre 1,60m à 1,80m en bas de panneau et 3,30m à 3,50m en haut de panneau […] Un espacement de 5 mètres entre les rangées de panneaux est prévu pour permettre le passage des tracteurs. » 5 mètres… ce qui est peu et contraint fortement tout travail agricole. Qui plus est, si la famille portant ce projet décide un jour de changer de production, Voltalia s’engage-t-elle à venir démonter ses panneaux et ou les placer ailleurs et différemment sur leur ferme ? L’on voit ainsi que c’est l’agricole qui in fine doit s’adapter à la production d’énergie et en devient dépendante. L’ADEME dit pourtant prendre en compte
« la capacité d’adaptation de la structure photovoltaïque aux évolutions de cultures agricoles et d’itinéraires techniques » . Comment cela serait-il possible une fois des dizaines d’hectares de panneaux en place ? Paradoxalement dans son rapport l’ADEME avoue que « les retours d’expériences collectés ont mis en lumière des modifications potentiellement profondes des itinéraires techniques et des productions des exploitations » ; - Sixième critère d’ attention au foncier agricole : « Quel impact du projet sur le prix du foncier agricole et la transmission de l’exploitation ? Des agriculteurs en fin de carrière peuvent choisir un tel système pour s’assurer une rente, quitte à affecter le prix du foncier et les projets du nouvel exploitant en cas de transmission. » A cette question dont l’ADEME feint d’ignorer la réponse, il est possible de rétorquer que « l’intérêt de l’agrivoltaïsme résiderait surtout dans la possibilité d’utiliser de nouveaux espaces, engendrant par ricochet une forte inflation des prix des terres. Car là où un fermage agricole se négocie entre 100 et 150 €/ha, les terres louées dans le cadre d’un projet agrivoltaïque se négocient dix fois plus, parfois au-delà de 2 500 €/ha ». Aussi « entre le prix d’une parcelle agricole ou d’une autre qui fournit de l’énergie, on passe d’une échelle d’ un à dix » confirme le gérant d’Éco Solutions Énergie. La présence de panneaux va engendrer des tensions entre agriculteurs et des difficultés de transmission et d’installations de nouveaux paysans ;
- Septième critère d’ « attention » aux impacts environnementaux et paysagers : « D’autres aspects sont à considérer : l’impact sur les sols, les impacts environnementaux et paysagers ». Mentionner la question des impacts sur les sols, l’environnement et les paysages comme « d’autres aspects à considérer », c’est concéder que ces impacts puissent être traités subsidiairement. Cette position de l’ADEME ne justifie-t-elle pas à l’avance les insuffisances de la réglementation à venir sur l’évaluation de ces impacts ?
L’ensemble de ces « critères d’attention » montre bien que le concept même de l’ « agrivoltaïsme » ne répond pas à une conception systémique de la transition agro écologique. Il ne peut satisfaire aux exigences que se donnent de nombreux acteurs du monde agricole, de la recherche, des circuits agroalimentaires, pour redonner toute sa place et toute sa valeur au travail humain et aux processus agrobiologiques, assurant ainsi une vie meilleure pour toutes et tous, et une alimentation plus saine. Le réchauffement climatique va inexorablement conduire à une nécessité d’adaptation de la production agricole, il est très hasardeux de détourner l’usage des sols dont nous devons impérativement garder la vocation agronomique comme de compromettre leur adaptation afin de se prémunir de toute perte de production et autonomie alimentaire.
Projets de décret et d’arrêté sur le photovoltaïque au sol, premiers éléments d’analyse
Projet de décret définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espaces au titre du 5° du III de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Projet d’arrêté définissant les caractéristiques techniques des installations de production d’énergie
photovoltaïque exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d’espace naturels, agricoles et forestiers.
Ces deux projets réglementaires sont en consultation publique du 4 au 25 mai 2022. Ils ont été produits avant même la publication officielle du rapport de l’ADEME sur le même sujet. On peut supposer que leurs rédacteurs ont été soumis à une forte pression des opérateurs de la filière photovoltaïque, ce qui peut expliquer les incohérences et insuffisances de ces textes.
- Comment affirmer qu’une installation photovoltaïque n’affectera pas durablement les fonctions écologiques du sol quand on sait que ces installations ont une durée pouvant aller jusqu’à 30 ans, voire même 60 ans ? Comme l’explique la LPO dans sa contribution à la consultation publique sur ce décret, aucun des trois critères que sont « 1. le maintien, au droit de l’installation, d’un couvert végétal adapté à la nature du sol ; 2. la réversibilité de l’installation ; 3. le maintien, sur les espaces à vocation agricole, d’une activité agricole ou pastorale significative, sur le terrain sur lequel elles sont implantées (…) ne peut garantir qu’une installation photovoltaïque n’affectera pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique » ;
- Ce seul motif de la durabilité des installations photovoltaïques au sol et par conséquent de leurs effets durables sur les fonctions écologiques des sols doit permettre d’affirmer que ces textes ne sont pas conformes aux stipulations de l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Cet article énonce clairement la nécessité de démontrer « que les modalités de cette installation permettent qu’elle n’affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique. » Aucune des dispositions réglementaires prévues dans ces projets de texte ne permet d’apporter des garanties sur le respect de cette clause ;
- L’Article 1 du projet de décret prévoit d’autoriser des installations photovoltaïques « en l’absence d’activité agricole ou pastorale effective, qui auraient vocation à s’y développer ». La garantie donnée reposant sur une hypothétique activité agricole ou pastorale qui un jour, éventuellement, pourrait s’y développer par vocation, est un passe-droit sans précédent donné aux industriels puisqu’elle ne conditionne même plus l’existence des parcs à la présence d’une activité agricole ;
- L’une des insuffisances manifestes des textes en projet porte sur l’absence de moyens permettant d’établir l’état initial des habitats naturels préexistant, qu’il s’agisse de la faune, de la microfaune ou de la flore et de définir ce que l’on entend par un couvert végétal adapté, en particulier lorsque l’installation occupera des espaces naturels ou forestiers. Il n’est prévu aucun inventaire écologique et a fortiori aucune évaluation environnementale. Il y a là une incohérence au regard de l’annexe à l’article R122-2 du code de l’environnement qui impose une évaluation environnementale pour les installations au sol d’une puissance égale ou supérieure à 250 kWc, c’est-à-dire d’une surface d’environ 1 500 m² ou plus (Annexe art. R122-2 code de l’environnement). Il serait d’ailleurs cohérent d’abaisser le seuil de cette obligation pour donner tout son sens à la clause de respect durable des fonctions écologiques du sol imposé par la loi ;
- Une autre carence de ces textes provient du flou dans la désignation de ce que peut être une « activité agricole ou pastorale significative », aggravé par la mention tout autant imprécise des risques pouvant affecter cette activité en raison de l’impact de l’installation photovoltaïque. Sur quels critères et à partir de quel niveau de modification ou de dégradation de l’activité agricole ou pastorale pourra-t-on établir « que l’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée » comme le stipule l’article 194 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 déjà cité ? Ce même article prévoyait que les modalités de mise en œuvre de cette clause devaient être précisées par décret en Conseil d’État : mais il ressort de la lecture des textes en projet qu’ils n’apportent pas les précisions requises sur ce point ;
- Quant aux caractéristiques techniques figurant dans le tableau très succinct de l’Article 1 du projet d’arrêté :
- La hauteur des panneaux (1,10m au point bas) et leur espacement, apparaissent peu compatibles avec une couverture forestière ; ces panneaux créeront un cloisonnement de fait du sol forestier avec toutes les conséquences écosystémiques d’une rupture des continuités écologiques ; ils ne sont pas plus compatibles avec la circulation d’engins agricoles ce qui entraînera nécessairement une modification « significative des itinéraires techniques et des méthodes culturales » ;
- Le type de clôtures laisse penser qu’il est fait pour permettre les continuités écologiques entre la zone d’implantation de l’installation photovoltaïque et l’extérieur de cette zone notamment pour la circulation de la faune ; cette spécification n’est pas satisfaisante du point de vue de la continuité des habitats naturels ou des terrains de chasse de la faune ; par exemple : impossibilité pour certains rapaces tel l’Aigle royal ou oiseaux de steppe tel l’Oedicnème criard d’avoir une activité de chasse dans une installation photovoltaïque de grande surface.
- Les « critères d’implantation » mentionnés dans l’art 1 et dans l’art 2 du projet d’arrêté ne sont pas plus précisés et leur respect sera par conséquent impossible à vérifier. Le décret parle de « conditions » mais jamais de critères permettant d’établir que ces conditions seront remplies par le projet et d’évaluer l’effectivité de leur mise en œuvre ;
- De même, la « base de données » mentionnée à l’article 3 ne comporte aucune mention des caractéristiques écosystémiques des sols concernés par le projet, d’autant qu’aucun inventaire initial n’est prévu comme cela a déjà été signalé. On est bien loin de la moindre étude d’impact, alors même que la mention de l’impact de l’installation photovoltaïque apparaît dans le texte du décret.
Il est possible d’illustrer nos réserves sur ces projets de texte par des observations faites sur le terrain.
- L’Article 1 du projet de décret met en avant le « le maintien, au droit de l’installation, d’un couvert végétal adapté à la nature du sol et, le cas échéant, des habitats naturels préexistants sur le site d’implantation, sur toute la durée de l’exploitation ». La notion de « couvert végétal adapté à la nature du sol » est imprécise. Des projets dits « agrivoltaïques » proposent du pâturage ovins après concassage de sol caussenard, ou du pâturage bovins sur des sols dédiés depuis des millénaires au pastoralisme ovin ou encore des cultures fourragères sur du causse karstique. En somme les porteurs de projets pourront justifier tous type d’installation ;
- Quant « aux habitats naturels préexistants », là aussi cela est imprécis. Un porteur de projet se targue de vouloir laisser « 40 cm de broussailles » sur le causse de temps à autre sous les panneaux : peut-on considérer cela comme le maintien d’un habitat naturel ? ;
- L’Article 1er du projet d’arrêté définissant les caractéristiques techniques d’implantation des
panneaux explique que l’ « Espacement entre deux rangées de panneaux distincts au moins égal à la largeur maximale de ces panneaux, en valeur absolue ». Il arrive souvent que les porteurs de projets espacent de 5 mètres les panneaux, ce qui correspond peu ou prou à la largeur de ces panneaux et donc aux termes de l’arrêté en consultation. Mais ces 5 mètres sont insuffisants pour la circulation et le maniement des engins agricoles, ce qui contraint fortement tout travail agricole. Par là-même c’est l’activité agricole qui in fine doit s’adapter à la production d’énergie et en devient dépendante.
Trois questions sur l’ « agrivoltaïsme »
Pourquoi de nombreuses voix et instructions diverses dissuadent-elles de recourir à l’utilisation des espaces naturels, agricoles et forestiers pour l’implantation du PV ?
Au plan national
- Circulaire du 18/12/2009 relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol précisant les modalités d’application du décret n°2009-1414 du 19/11/2009 : « Une attention particulière [doit être portée] à la protection des espaces agricoles et forestiers existants ainsi qu’à la préservation des milieux naturels et des paysages » « Les projets de centrales solaires au sol n’ont pas vocation à être installés en zones agricoles, notamment cultivées ou utilisées pour des troupeaux d’élevage » ;
- Guide d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme pour les centrales solaires au sol de 2020 « L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme (CU) fait de l’utilisation économe des espaces naturels, de la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et de la protection des sites, des milieux et paysages naturels un objectif fondateur de la politique d’urbanisme. Cet objectif a été renforcé par la loi ELAN qui affirme le cap de « zéro artificialisation nette » sur l’ensemble du territoire. Pour ne pas porter atteinte à ces objectifs, l’ouverture de nouvelles zone urbanisées (U) et à urbaniser (AU) aux fins d’y implanter des centrales solaires doit être compatible avec les prévisions de consommation d’espace inscrites dans le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) ou le schéma de cohérence territoriale (SCoT). » ;
- Guide de l’étude d’impact des installations photovoltaïques au sol « Rechercher prioritairement des sites dégradés (friches industrielles, anciennes carrières et décharges…) Utiliser des sites à faibles potentialités au regard de la valeur agronomique des sols, de la faune et de la flore. Favoriser le développement d’activités complémentaires (regroupement avec d’autres énergies renouvelables, comme l’éolien) ou annexes (entretien par pâturage du site, voire production agricole). » ;
- Article L. 151-11 du Code de l’urbanisme : « I.-Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : 1° Autoriser les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elles sont implantées et qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; […] » ;
- Plan biodiversité du Gouvernement (Axe 1) « Reconquérir la biodiversité dans les territoires : Le Plan biodiversité vise à freiner l’artificialisation des espaces naturels et agricoles et à reconquérir des espaces de biodiversité partout où cela est possible » (Objectif1.3) « Limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette. L’étalement urbain et l’artificialisation des sols, en détruisant et en morcelant les espaces naturels, agricoles et forestiers, contribuent directement à la dégradation du fonctionnement des écosystèmes et à l’érosion de la biodiversité. » ;
- Jurisprudence du Conseil d’État Photosol n° 395464 du 8 février 2017 et n°418739 du 31 juillet 2019 : « le préfet d’Eure-et-Loire […] a pu légalement estimer que le projet ne permettrait pas le maintien d’une activité agricole significative sur le terrain d’implantation de l’équipement collectif envisagé et refuser d’accorder le permis sollicité pour ce motif. » ;
- CEREMA : Le nombre de zones d’activités économiques (ZAE) oscillerait entre 24 000 et 32 000, soit 450 000 hectares, reflétant ainsi une offre pléthorique et diffuse sur l’ensemble du territoire. 1. Ces zones déjà artificialisées sont en grande partie propices à recevoir des panneaux photovoltaïques ;
- Assemblée Nationale – Rapport d’information sur l’énergie photovoltaïque « […]. La France a tout intérêt à privilégier un développement autour des technologies intégrées au bâti malgré le surcoût et les difficultés administratives que cette voie comporte. […] Ce choix économiquement cohérent prévient les crispations en préservant le foncier pour les activités traditionnelles, urbaines et agricoles.[…] Il ne saurait être question d’importer en France le modèle espagnol. […] La culture française ne peut admettre une telle exploitation des espaces naturels au détriment tant de l’esthétique des paysages que des activités traditionnelles. […] Les terres arables apparaissent en revanche particulièrement visées par les spéculateurs dans un contexte de crise économique qui renforce les tentations d’arrachage et de cession. […] L’État doit agir pour affermir le cadre réglementaire des centrales photovoltaïques. Son action est cruciale pour éviter un effet d’éviction qui ne saurait générer que rancœur et contestation pour une énergie spontanément soutenue par une écrasante majorité de Français. Les meilleures perspectives d’un point de vue social et environnemental, se trouvent par conséquent sur les foyers des particuliers et dans les grandes toitures » ;
- UNESCO, 21 et 22 mars 2019, Motion du Conseil Scientifique du bien Unesco Causses et Cévennes sur les installations photovoltaïques : « (Le Conseil scientifique ) a conscience que, au titre de la transition énergétique pour la croissance verte, la réduction des gaz à effets de serre est indispensable mais celle-ci doit d’abord passer par une maîtrise, voire une réduction, de la consommation énergétique. Cette transition énergétique doit également être raisonnée au sein du projet territorial intégré et non isolément. Le paysage est un élément clef de l’attractivité d’un territoire, d’une économie importante et non délocalisable […] compte tenu de l’intérêt général que représente la préservation des paysages […] les installations photovoltaïques industrielles au sol ne devraient être envisagées que dans les zones déjà artificialisées sans valeur patrimoniale, archéologique ou écologique, sous réserve de leur intégration architecturale et paysagère et d’une maîtrise de leurs impacts environnementaux et paysagers, notamment sur le cœur du Bien. Cette motion a pour vocation à éclairer l’élaboration des schémas de cohérence territoriale, ou tout autre document de programmation, de planification et d’urbanisme, ainsi que l’instruction d’éventuels projets ».
Au plan régional
- Mr Labarthe, 2ème vice-président de la Région Occitanie, séance plénière du 17/12/2020 : « […] les terres agricoles, elles sont rares et elles méritent d’être préservées. Le développement tel qu’il vient d’être cité peut parfois paraître comme un fléau (la stratégie de la Région qui reprend la trajectoire Région à énergie positive) montre très bien […] que l’on ne doit pas le faire au détriment des zones agricoles ou des zones où la biodiversité est présente comme celles que vous avez citées […]. Au contraire on a privilégié des espaces en toitures, des espaces artificialisés, les milieux dégradés comme parfois les friches ou les décharges […] mais effectivement l’on ne peut que regretter que certains gros développeurs puissent s’affranchir d’un certain nombre de sujets que nous portons ici […] » ;
- SRADDET – Occitanie 2040 Règle 20, développement des ENR : « Identifier les espaces susceptibles d’accueillir des installations ENR en priorisant les toitures de bâtiments, les espaces artificialisés (notamment les parkings) et les milieux dégradés (friches industrielles et anciennes décharges par exemple), et les inscrire dans les documents de planification » ;
- CESER Occitanie / Pyrénées –Méditerranée Assemblée plénière du 25/02/2020 : « Les implantations en toiture ou en brise-soleil, et dans les espaces impropres à d’autres usages seront à privilégier » ;
- Comité de Massif des Pyrénées Note d’enjeux du 28 janvier 2021 concernant le photovoltaïque : « les installations photovoltaïques ont des impacts forts sur les paysages, particulièrement perceptibles en zone de montagne, et, dans certaines zones, le risque d’artificialisation de terres agricoles peu productives pour l’aménagement de photovoltaïque au sol est non négligeable. Le développement de cette énergie dans le massif doit prendre en compte ces éléments : Développer le photovoltaïque en priorité en toiture dans les zones d’activité et en rénovation du patrimoine bâti […] Se donner comme principe la non-implantation de photovoltaïque au sol ou flottant dans les secteurs agricoles, pastoraux, naturels ou forestiers de la zone de montagne du massif » ;
- Comité de l’administration régionale Midi-Pyrénées du 27 janvier 2011 Doctrine régionale : « La consommation de surfaces agricoles utiles pour le développement du solaire photovoltaïque est un conflit d’usage avéré qui n’est pas acceptable : même si la réversibilité d’usage est techniquement possible après l’exploitation de la centrale (au-delà de la durée du contrat d’achat de l’électricité actuellement de 20 ans), même si d’autres conflits d’usage consomment des surfaces agricoles très importantes depuis de nombreuses années (infrastructures routières, urbanisme…) De plus le potentiel hors surface agricole est suffisamment important pour permettre d’être particulièrement sélectif. Pour les installations au sol, les sites à privilégier sont les anciennes carrières, les anciens terrains miniers, les friches industrielles, les délaissés routiers ou autoroutiers, les centres d’enfouissement de déchets […] La consommation de surfaces agricoles utiles pour le développement du solaire photovoltaïque est un conflit d’usage avéré qui n’est pas acceptable […] Le choix a été fait de retenir un critère objectif qui est celui du versement ou non d’une aide publique une des cinq années civiles qui précédent. Pour tenir compte des spécificités départementales, cette durée de cinq ans pourra être augmentée. […] La révision simplifiée du document d’urbanisme (limitée au projet d’installation de la centrale au sol) pour modifier le type de zonage d’un terrain sur lequel l’usage agricole est avéré (versement d’une aide publique une des cinq années civiles qui précédent) ne modifiera pas l’analyse du projet. Cette révision simplifiée recevra alors un avis défavorable des services de l’État. »
Comment mieux prendre en compte les spécificités de la région Occitanie : forts enjeux de biodiversité à préserver et reconquérir, mais une forte tendance à l’artificialisation des sols ?
- Agence régionale de Biodiversité « L’Occitanie dispose d’un patrimoine naturel unique, qui en fait une des régions de France métropolitaine les plus riches en matière de biodiversité. Cette richesse s’explique par la situation géographique de la région, au carrefour de 4 domaines bioclimatiques : le domaine alpin avec les montagnes et vallées de Pyrénées, le domaine atlantique correspondant aux plaines et collines de Midi Pyrénées, le domaine continental constitué par les montagnes et les hauts plateaux du Massif central, le domaine méditerranéen au niveau du littoral. Ces grands ensembles paysagers ont été déterminés par la géologie, la diversité de climats, le relief, auxquels s’ajoutent l’influence de l’activité humaine. La conjugaison de tous ces facteurs est à l’origine d’une exceptionnelle biodiversité, reflet de l’interaction entre l’homme et la nature. Dans ce territoire fortement marqué par la présence humaine, l’expression de la biodiversité dépend d’un équilibre fragile entre pression anthropique et pression naturelle. Or la Région Occitanie est soumise à un fort essor démographique et une artificialisation des sols accrue qui contribuent petit à petit à l’érosion de la biodiversité.» ;
- Préfet de Région Occitanie : État des lieux de l’artificialisation des sols « Entre 2006 et 2015, 60 000 hectares environ ont été artificialisés, dont une grande partie de milieux naturels selon les chiffres de l’Agence Française pour la Biodiversité. L’Occitanie est une des régions métropolitaines les plus consommatrices de surfaces naturelles, agricoles et forestières, avec 33 000 000 de m² artificialisés par an en moyenne […] Entre 2009 et 2018, 33 000 000 de m² ont été artificialisés en moyenne chaque année en Occitanie, avec une forte progression sur les 2 dernières années disponibles (2016 et 2017) […] Par ailleurs, il est important de noter que ces éléments ne prennent en compte que les surfaces cadastrées et donc ne permettent pas d’identifier la part des surfaces artificialisées par les infrastructures : routes, voies ferrées… »;
- Réseau National des Aménageurs Limiter l’artificialisation – novembre 2020 : « Les interventions ont permis une prise conscience des fonctionnalités assurées par les sols. Ils sont vivants et constituent un précieux patrimoine naturel. Ils concentrent tous les processus d’échanges d’eau, d’énergie et de matière nécessaires au maintien des services écosystémiques suivants : production d’aliments et de biomasse ; stockage, infiltration et épuration des eaux ; habitat pour les organismes vivants et les patrimoines génétiques ; stockage du carbone ; environnement physique, culturel et historique ; support de construction et de production de matières premières nécessaires à nos sociétés.
Malgré les besoins complémentaires de connaissances scientifiques, de définition, d’outils de mesures des espaces et de la qualité de leur sol, il fait unanimité sur le fait que le rythme actuel de développement des activités humaines sur des sols naturels agricoles et forestiers (ENAF) n’est pas soutenable, il doit être réduit. […] L’ensemble des experts partagent l’idée fondamentale que les finalités du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) doivent porter sur la préservation de la biodiversité et des fonctionnalités environnementales, y compris celles des sols. » ; - Ligue de Protection des Oiseaux, Position du 19 novembre 2021 : « La LPO considère, comme le GIEC et l’IPBES, que les crises climatiques et de perte de la biodiversité sont étroitement liées et se renforcent mutuellement ; aucune des deux ne pourra être résolue avec succès si les deux ne sont pas abordées ensemble. […] En général, la LPO est défavorable aux projets EnR envisagés dans des espaces à forts enjeux biodiversité (espaces naturels protégés, etc.) et aux projets qui porteraient atteinte aux objectifs climatiques. La LPO est également vigilante à l’égard des secteurs à forts enjeux paysagers […] En ce qui concerne l’énergie solaire, la LPO est favorable à un développement massif sur les espaces artificialisés (immeubles collectifs, maisons particulières, toitures de centres commerciaux, bâtiments agricoles existants, parkings…) et défavorable au développement de centrales solaires dans les espaces naturels et en substitution d’espaces agricoles ou forestiers. » ;
- LPO, contribution à la consultation publique sur le projet de Décret et d’Arrêté sur le photovoltaïque sur des terres agricoles et naturelles, le 10 mai 2022 « La LPO émet un avis défavorable sur ce projet de décret, par LPO France : Le projet d’Article 1er considère que le respect des 3 caractéristiques suivantes suffit à remplir les conditions mentionnées ci-dessus :1. le maintien, au droit de l’installation, d’un couvert végétal adapté à la nature du sol ; 2. la réversibilité de l’installation ; 3. le maintien, sur les espaces à vocation agricole, d’une activité agricole ou pastorale significative, sur le terrain sur lequel elles sont implantées. Or, aucune de ces 3 conditions, y compris si elles sont toutes trois remplies, ne peut garantir qu’une installation photovoltaïque n’affectera pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique. Les travaux de défrichement et de terrassement, la création des pistes d’accès (y compris lorsque celles-ci ne sont pas imperméables), l’implantation des clôtures, la fixation des infrastructures au sol et l’ombrage généré par les panneaux ont des incidences directes et durables sur les fonctions écologiques du sol et constituent donc une artificialisation au sens de la loi. Pour ces raisons, la LPO exprime un avis défavorable à ce projet de décret qui dénature la lettre et l’esprit de l’article 194 de la loi 2021-1104 du 22 août 2021 » ;
- Conseil supérieur de protection de la nature d’Occitanie, autosaisine de juin 2021 : analyse critique d’un rapport d’Enerplan et du Syndicat des énergies renouvelables tendant à démontrer les bienfaits de 111 parcs photovoltaïques : « les analyses reposent sur un faible nombre de données avec l’utilisation de référentiels inappropriés (…) la conclusion affirmée d’effets neutre à positif des parcs photovoltaïques au sol sur la biodiversité n’est pas démontrée ».
Quelle compatibilité de l’« agrivoltaïque » avec les activités agricoles, d’un point de vue environnemental, social et économique ?
- Chambre d’Agriculture de l’Aveyron motions du 15 mars 2021 et du 26 novembre 2021 : « les terres agricoles ont une vocation nourricière et ne doivent pas être mise en concurrence avec la demande énergétique croissante […] Que les projets photovoltaïques sur les terres agricoles – aussi appelés projets d’agrivoltaïsme […] posent d’ores et déjà de nombreux problèmes sur le terrain : renchérissement et spéculation sur le foncier, concurrence entre destination alimentaire et énergétique des surfaces agricoles et risques accidentels incendies ; Que des sociétés photovoltaïques se tournent de plus en plus vers les terres agricoles aveyronnaises pour installer de panneaux photovoltaïques par effet d’opportunité et intérêt financier. (Rappellent) Que l’accès au foncier demeure le premier frein à l’installation ; (Demande) que de nouvelles surfaces ne soient pas attribuées à des propriétaires exploitant.e.s ayant volontairement artificialisé une partie de leur SAU ».
« Le modèle de développement d’un département rural comme l’Aveyron, avec une faible densité depopulation, ne doit pas chercher à imiter celui de zones urbaines ou péri-urbaines […] De nombreuses terres agricoles ont été trop souvent artificialisées pour permettre la construction de zones d’activités et zones commerciales ; La construction de routes et le développement de projets photovoltaïques au sol vont condamner la vocation agricole de surfaces. » ; - Chambre d’agriculture du Gers Courrier du président Bernard Malabirad « La Chambre d’agriculture du Gers est défavorable à l’implantation de centrales photovoltaïques sur du foncier à vocation agricole ou naturel. Nous ne considérons que la priorité va à l’équipement d’autres gisements disponibles que sont les toitures, sols anthropisés et artificialisés. S’agissant de « l’agrivoltaïsme », terme utilisé par nombre d’acteurs de la filière photovoltaïque. C’est un concept séduisant dans sa présentation, mais qui ne recoupe actuellement aucune réalité productive agricole démontrée de nature à l’ériger dès à présent en modèle. […] La préservation des terres agricoles et des enjeux multiples collectifs et connexes qu’elles portent, le respect impérieux de la continuité des usages des sols, la nécessité incontournable de mener des concertations locales en amont, sont parmi les principes conducteurs fondamentaux que nous appelons de nos vœux à être intégrés dans la gestion que feront les Collectivités et services de l’Etat compétents de ce type de demandes d’autorisations comme dans l’élaboration de documents d’aménagement et de planification territoriale » ;
- INRAE « Les systèmes agroforestiers, plébiscités pour leurs effets globalement bénéfiques sur divers services écosystémiques se développent à nouveau dans les paysages agricoles français et européens. Associant arbres et cultures sur une même parcelle, accueillant ou non des animaux d’élevage, ils constituent des dispositifs complexes susceptibles d’introduire de l’hétérogénéité dans le fonctionnement biologique et de la stabilité écologique des sols qui les portent » ;
- IHEST Les usages énergétiques des terres agricoles : cultiver l’énergie au XXIe siècle ? « Concilier production d’énergies et terres agricoles ? Les premiers questionnements surgissent très rapidement, empreints de la controverse sous-jacente de la concurrence des usages : qu’est-ce qu’une terre agricole ? À quoi sert-elle ? Peut-on produire de l’énergie et préserver les sols ? Est-ce compatible avec les enjeux de sécurité alimentaire ? […] Les enjeux sont multiples et nécessitent des approches systémiques afin de couvrir les impacts de ces pratiques. […] Les agriculteurs semblent de plus en plus isolés au sein de la société alors même que la terre constitue un bien commun et qu’un nombre croissant de citoyens appelle à davantage de proximité et d’interactions […] N’est-on pas à un moment où …l’agriculteur devrait pouvoir décider de son avenir et de celui de sa profession ? Face à l’injonction de produire de l’énergie, n’a-t-il pas son mot à dire, quitte à s’y refuser et laisser émerger un nouveau métier ? » ;
- Confédération Paysanne : « l’Agriculture Paysanne doit permettre à un maximum de paysans répartis sur tout le territoire de vivre décemment de leur métier en produisant sur des exploitations à taille humaine une alimentation saine et de qualité, sans remettre en cause les ressources naturelles de demain. Elle doit participer avec les citoyens à rendre le milieu rural vivant dans un cadre de vie apprécié par tous […] Que cela soit par la préservation du cadre de vie, par l’entretien du paysage et la gestion du territoire, les ruraux dans leur vie quotidienne désirent la protection de cet espace générateur d’emplois. Un besoin concernant la qualité et la diversité du milieu naturel. La population est aujourd’hui favorable à la prise en considération impérative des exigences écologiques » ;
- Confédération Paysanne de l’Aveyron « l’agriculture est l’une des professions qui rémunère le moins en France […] un malaise de la profession est reconnu, une motivation essentielle est la qualité de vie au travail, le travail en plein air, un cadre de travail beau, regarder le ciel et écouter le chant des oiseaux… Il n’est pas souhaitable de dégrader cette qualité de vie au travail alors que c’est un secteur qui doit recruter massivement dans les prochaines années avec le départ des babies boomer à la retraite. Travailler sous des panneaux (photovoltaïques) c’est dégrader notre qualité de vie au travail, c’est aussi dégrader l’environnement et les paysages de tous pour le bénéfice de quelques-uns (quelques propriétaires et promoteurs) » ;
- Association Française d’agroforesterie : « Des études de l’INRA ont montré que l’on produisait plus en associant arbres et cultures qu’en séparant les deux […] les arbres […] protègent cultures et animaux des excès climatiques (chaud, froid, tempête, inondation, sécheresse)[…] L’arbre […] rafraîchit l’atmosphère en été, tandis que sa présence limite l’effet du vent, responsable d’importantes pertes d’eau par évaporation »
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