Communiqués / Avis

Gestion de la ressource en eau : l’État sous pression perd la raison !

La fuite en avant des promesses de stockage

Quel devenir pour les “projets de territoire pour la gestion de l’eau” pourtant imposés par l’état ?

Suite aux Assises de l’eau de 2018 à 2019, une nouvelle instruction des “projets de territoire pour la gestion de l’eau” (PTGE) (initiés en 2015) a vu le jour en mai 2019 et indique en préambule :

Un PTGE est une démarche reposant sur une approche globale et co-construite de la ressource en eau sur un périmètre cohérent d’un point de vue hydrogéologique, permettant d’atteindre dans la durée un équilibre entre besoins et ressources disponibles tout en respectant la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques en anticipant le changement climatique et en s’y adaptant… Le PTGE doit intégrer l’enjeu de préservation de la qualité des eaux.

Instruction du 7 mai 2019 relative au PTGE

Les PTGE avaient pour objectif, dans un programme d’élaboration partagé par tous les acteurs et usagers d’un territoire spécifique, de décliner successivement l’information, les connaissances précises des besoins et des ressources en eau d’un bassin versant. Ils s’appuyaient sur des études chiffrées récentes analysant les enjeux économiques environnementaux, les besoins de salubrité, comme les prélèvements ou encore les nouvelles données climatiques, et hydrologiques récentes. Cela constituait un bilan initial. Dans le cadre de ce diagnostic partagé, une co-construction d’un plan d’actions était alors menée sur plusieurs mois ou années afin d’aboutir à un ensemble de solutions prospectives. Les nouveaux projets de stockage devaient être débattus et s’inscrire dans ces plans d’actions pour être éligibles aux subventions, comme ils devaient répondre à l’impératif du multiusage et de pratiques agricoles plus respectueuses du vivant. Afin d’assoir ces démarches et de les conforter une inspection de l’IGEDD a remis des conclusions favorables en mai 2022, un nouveau Guide d’élaboration et de mise en œuvre des PTGE est paru en août 2023. Partout où ces projets de territoire ont été initiés, les associations ont intégré cette démarche et largement contribué.

Peur et démagogie au détriment de la connaissance : la ressource en eau réellement menacée pour l’avenir

Le lundi 8 avril 2024 le Préfet de région, la Présidente de la Région Occitanie ainsi que le Président de la chambre d’agriculture d’Occitanie annoncent par voie de presse :

28 projets de stockage qui figurent sur une liste verte : « Ils sont immédiatement opérationnels » et  50 autres qui seraient sur liste orange et devront être approfondis avant validation.

Conférence de presse 8 avril 2024

Mais de quelle pochette surprise sont tombées ces retenues qui ne sont toujours pas identifiées ouvertement ?

Sans aucun doute celle des syndicats majoritaires agricoles qui depuis des mois dégradent, souillent, les villes à prix forts, attaquent les administrations et l’Office français de la biodiversité (OFB) pourtant garant du droit de l’environnement, sous le regard bienveillant des autorités, sans pour autant répondre aux véritables inquiétudes des différentes composantes du monde agricole.

De nouveaux discours et comportements apparaissent :

Rejet des études hydrologiques, déni des débits en baisse et du réchauffement climatique, relégation des changements de pratiques agricoles qui menacent la viabilité de la planète, refus de considérer que certaines retenues ne se remplissent plus, abandon de la notion de « multi usage » pour le stockage prônée par les PTGE, aveuglement et mensonges sur la qualité de l’eau toujours plus dégradée en raison des dépassements de pesticides dans de très nombreux puits et nappes phréatiques (l’ANSES en en est même venue à modifier les seuils en multipliant par 9 le seuil limite du S métholachlore dans l’eau dite “potable ! “), amnésie scientifique sur le rôle fondamental des zones humides, des haies et des ripisylves, dans la régulation du cycle de l’eau !

Les associations de protection de l’environnement comme celles des usagers sont consternées par le déni des savoirs partagés, et du long travail d’élaboration de ces PTGE, mais aussi de l’accaparement de la ressource par une minorité, un recul de 20 ans en arrière tant sur le plan de la démocratie que de la prise en compte de l’environnement, qui entérine la dégradation des masses d’eau et fait peser un risque énorme sur la qualité de l’eau comme sur sa disponibilité future.

Les solutions sont ailleurs et parfaitement connues : il est urgent de protéger véritablement l’eau et les sols

Lorsque les sols agricoles – qui représentent 50 % de la sole hexagonale – sont étanches comme une toile cirée, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait des problèmes de pénurie d’eau dans les sols. L’évacuation de l’eau des pluies est trop rapide vers la mer, via les exutoires des champs drainés et les cours d’eau rectifiés. Les sols agricoles à trop faible activité biologique se sont tellement dégradés par le labour et les herbicides, qu’ils ne collectent plus et n’infiltrent plus l’eau des pluies. La solution à apporter pour ralentir le cycle de l’eau durant sa phase terrestre porte aujourd’hui un nom : l’hydrologie régénérative. Les zones humides sont par ailleurs des réservoirs naturels de stockage à préserver et restaurer bien mieux qu’elles ne le sont aujourd’hui.

L’agriculture industrielle, par sa dépendance expresse aux intrants chimiques, a pollué et contaminé la quasi totalité des masses d’eau, et aussi les eaux souterraines, où on retrouve toujours de l’atrazine, du S-métolachlore et de l’AMPA du glyphosate (tous des désherbants) présents dans l’eau potable, entraînant des surcoûts de potabilisation payée par tous les usagers.

De même la toxicité des biocides et herbicides n’est plus à démontrer, maladies professionnelles (étude Agrican 2) , impact sur les fœtus (fond d’indemnisation et consultations pédiatriques mises en place) et devrait nous alerter sur l’urgence à s’en affranchir.

Hypothéquer le bien commun le plus indispensable à toute vie, décider arbitrairement en excluant les associations et la société civile des débats, au profit d’une seule filière agricole, tout en faisant fi de la science est irresponsable !