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Retenue de Sivens

— L’essentiel —

Sivens : histoire d’une mobilisation
Dès 2011, les associations de protection de l’environnement et des collectifs de citoyens se sont opposés au projet du barrage à Sivens. A partir de 2014, France Nature Environnement relaie cette lutte au niveau national. Chronique.

Barrage de Sivens : les raisons de la contestation
Sivens : ce nom évoque avant tout celui Rémi Fraisse, jeune botaniste de 21 ans, bénévole de Nature Midi-Pyrénées, tué dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014 par une grenade offensive de la gendarmerie pour avoir manifesté contre le barrage. Mais pourquoi, comme lui, de nombreux citoyens se sont-ils mobilisés contre ce projet ? Comment la suite des évènements viendra confirmer de nombreuses critiques faites à l’encontre du barrage ? Retour sur les raisons de la contestation par le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, Nature Midi-Pyrénées, France Nature Environnement Midi-Pyrénées et France Nature Environnement.

Octobre 2012 – FNE Midi-Pyrénées a réalisé des observations dans le cadre de l’enquête publique relative à la création de la retenue de Sivens sur la commune de Lisle-sur-Tarn.

Consulter ici ces observations.

Le projet initial de barrage était destiné, pour 70 % du volume d’eau stocké, à l’irrigation des champs d’agriculteurs situés en aval de la retenue (Tarn et Tarn-et-Garonne). 40 % de ces exploitations sont en grande culture. Dans ces cultures, la part du maïs, plante tropicale fortement consommatrice d’eau et inadaptée au climat local, a sensiblement diminué ces dernières années. De fait, l’évaluation des besoins en irrigation utilisée pour justifier le projet de retenue a été surestimée.

De plus, le maître d’ouvrage annonçait que ce projet bénéficierait à 81 exploitations. Le rapport commandé par le ministère de l’Écologie, publié le 27 octobre 2014, revoit largement à la baisse cette estimation et indique « que le nombre de bénéficiaires du barrage de Sivens (…) est de l’ordre de 30 ». Dès lors, pourquoi dévaster un espace naturel aux caractéristiques uniques pour des besoins largement surévalués destinées à des cultures inadaptées plutôt que d’encourager l’adaptation des cultures à leur environnement ?

Le 27 octobre 2014, au lendemain du drame, les experts missionnés par le ministère de l’Écologie remettent leur rapport sur le barrage de Sivens : 57 pages confirmant que ce projet repose sur un examen très bancal de la situation. Ainsi, les experts décrivent entre autres, une étude d’impact « de qualité très moyenne », une décision « sans réelle analyse des solutions alternatives possibles », une « surestimation des besoins», des besoins d’ailleurs établis « sur des données anciennes et forfaitaires », un « coût d’investissement rapporté au volume stocké (…) élevé », ou encore des « mesures compensatoires insuffisantes ». Des points que dénonçaient depuis plus de deux ans les associations locales, en s’appuyant notamment sur les avis défavorables du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), du Conseil Scientifique Régional de Patrimoine Naturel (CSRPN) et de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA).

Le Conseil national de la protection de la nature (CNPN) est une instance chargée de rendre des avis au ministère de l’Écologie en ce qui concerne notamment les atteintes aux espèces protégées. Dès 2013, il a émis deux avis défavorables sur ce projet de barrage. Seulement, ses remarques n’ont pas suffisamment été prises en compte par les porteurs du projet. Le CNPN a ainsi souligné que la démonstration des « raisons impératives d’intérêt public majeur » exigées par le droit de l’Union européenne n’était pas faite.

En clair, les porteurs du projet n’ont pas pu prouver que le projet apportait un bénéfice économique, social et environnemental sur le long terme justifiant la destruction d’habitats et de spécimens d’espèces protégées. Le CNPN a même estimé que la réelle vocation du projet a été masquée. Le barrage a été présenté comme une réalisation permettant de soutenir l’étiage du cours d’eau du Tescou, d’améliorer la salubrité des eaux, de permettre l’écrêtement des crues et d’irriguer les cultures. Une longue liste qui tente de camoufler le fait que l’enjeu majeur du projet est avant tout l’irrigation du maïs et d’oléo-protéagineux.

Dans ses deux avis, le Conseil national de la protection de la nature regrettait les insuffisances des inventaires menés sur la biodiversité du Testet. Et si l’on connaît mal la richesse de la faune et de la flore d’un terrain, il est bien illusoire d’espérer proposer des mesures adaptées d’évitement, de réduction voire de compensation des impacts environnementaux. Le principe d’évitement, de réduction ou compensation est inscrit dans la loi.

Le rapport d’expertise commandé par le ministère de l’écologie note quant à lui que le Plan de Gestion des Etiages2 du Tescou, sur lequel une bonne partie du projet se base, n’avait pas été révisé depuis 2004. Ainsi, les données utilisées datent d’au moins 10 ans. Un point que dénonçaient depuis de nombreuses années les associations locales. Pour couronner le tout, en novembre 2014, la Commission Européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France pour le non respect de la directive-cadre sur l’eau de 2000.

Par ailleurs, les rapports entre le Conseil départemental du Tarn, maître d’ouvrage et la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG), maître d’ouvrage délégué s’avère bien surprenants. La CACG est une société d’économie mixte et son conseil d’administration est majoritairement composé… d’élus des départements du Sud Ouest et des anciennes régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. N’est-il pas surprenant de constater, par exemple, qu’un vice-président du département concerné soit aussi administrateur de la CACG, et président de la Commission des interventions à l’agence de l’eau Adour-Garonne ? Ne peut-on pas également s’interroger également sur le fait que cette agence soit celle qui alloue des aides à des projets de barrage et qui est le principal financeur à Sivens ?

Pour toutes ces raisons, le Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, Nature Midi Pyrénées, France Nature Environnement Midi-Pyrénées et France Nature Environnement se sont opposés au projet de barrage de Sivens.

Dernières actalités :

Le 30 juin 2016, à la demande de nos associations de défense de l’environnement, le tribunal administratif de Toulouse annulait les arrêtés permettant la construction du barrage dit « de Sivens ».

Pour autant, ces jugements intervenaient tardivement puisque les travaux préalables au barrage avaient déjà conduit à l’assèchement de plus de 13 hectares de zones humides.

Actuellement, la zone humide du Testet est gravement dégradée et ne remplit plus ses fonctions écologiques. En laissant les lieux tels quels, l’Etat fait courir un risque de disparition de cette zone humide pourtant considérée d’importance « majeure » dans le département du Tarn.

C’est pourquoi nous avons adressé le 23 novembre 2016, une mise en demeure aux préfets du Tarn et du Tarn-Garonne, de prescrire la remise en état intégrale de ces parcelles. Sans réponse, nous avons déposé un recours en annulation, pour contraindre l’administration à ordonner la remise en état de ce milieu remarquable, par le Conseil Départemental du Tarn.

Les juges administratifs toulousains devront donc à nouveau trancher sur la légalité de cette inaction fautive !